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Luxembourg : handicapés, mobilisez-vous !


Emprunter les anciens trains est pratiquement impossible pour des personnes en fauteuil seules. (Photo : Archives LQ)

Oui, le pays fait des efforts en termes d’inclusion et d’intégration des personnes handicapées. Mais de trop nombreux points noirs subsistent, l’exemple de la gare de Bettembourg l’atteste.

Info-Handicap est une plate-forme qui regroupe plus de 50 associations actives pour aider les personnes handicapées. La structure joue aussi le rôle de Conseil national d’information et de rencontre du handicap. Son avis sur la situation des transports via le prisme du handicap est donc très éclairant.

Le Quotidien du 24 juin dernier revenait sur la question parlementaire de Sylvie Andrich-Duval (CSV) portant sur l’inadaptation de la gare CFL de Bettembourg aux personnes à besoins spécifiques. En effet, pour changer de quai, il n’y a pas d’autre solution que de prendre un souterrain qui n’est accessible que par des escaliers. Le ministre François Bausch confirmait la situation : «La situation actuelle s’améliorera davantage après l’achèvement des travaux de construction de la nouvelle ligne Luxembourg – Bettembourg et de l’extension de la gare de Luxembourg, projetés pour 2022 et 2021.»

«C’est un exemple typique de ce que l’on appelle une réponse technique, sourit Silvio Sagramola, président du conseil d’administration d’Info-Handicap. On sent une certaine volonté de bien faire, mais on voit aussi qu’il manque le sens des priorités. La question est de savoir si, oui ou non, il est acceptable d’attendre 2022 pour que cette gare soit enfin accessible aux personnes ayant des difficultés à se déplacer, et elles sont bien plus nombreuses que les seules personnes en fauteuil roulant.»

«Réclamer ne suffit pas, il faut aussi s’investir»

Concernant le réseau des chemins de fer, Info-Handicap concède que l’organisation des CFL rend les choses compliquées. «L’Europe a imposé la fragmentation des différents services, ce qui n’aide pas à une communication performante, argue Silvio Sagramola. Concrètement, si un service nous suit – par exemple le service voyageurs –, cela ne signifie pas que les autres services infrastructures, maintenance ou commande soient au courant et aient compris la démarche.» Il y a de la bonne volonté, certes, mais aussi pas mal de contraintes structurelles. Info-Handicap reconnaît qu’il n’est pas facile d’adapter les gares aux besoins de tous les usagers. «Il y a différents types de trains, différentes hauteurs de quais… cela crée des problèmes techniques évidents dans les vieilles gares qui sont à rénover».

Les CFL disposent d’un plan de réaménagement de leurs gares sur 20 ans, reste à établir ce qu’il est raisonnablement possible de faire pour éviter des adaptations à une échelle de temps aussi longue que celle qui est prévue pour Bettembourg. «On peut construire du provisoire viable, comme une partie de quai surélevée par exemple», soumet Silvio Sagramola. Ces questions sont déjà réglées dans le cas des nouvelles constructions, que la loi impose d’être accessibles à tous.

Comme l’illustre le cas de la gare de Bettembourg, c’est donc l’aménagement de l’existant qui pose problème. Or il est de très loin majoritaire. Pour accélérer le temps de réponse des institutions, la voix de la société civile est essentielle… mais celle-ci a un peu de mal à se faire entendre. «Nous sommes davantage le pays du compromis que celui de la revendication et de l’activisme, souligne Silvio Sagramola. Nos demandes auront d’autant plus de poids qu’elles seront portées par de nombreux intéressés.»

Est-ce à dire que les personnes handicapées du Luxembourg seraient trop gentilles et ne bousculeraient pas assez l’ordre établi? «Si l’on veut que les évolutions soient plus rapides, il faut davantage d’investissement personnel. Réclamer ne suffit pas, il faut aussi s’investir, même si c’est parfois difficile.»

Il en va de même de l’usage des infrastructures déjà aménagées par l’État. «Pendant longtemps, le principe était de fournir des solutions spécifiques pour les besoins des personnes à mobilité réduite. Depuis 2011 et la ratification de la convention de l’ONU par le Luxembourg, il y a un changement de paradigme. Désormais, on recherche l’inclusion et l’intégration. C’est un pas en avant, mais il n’est pas facile. Pour une personne en fauteuil, il est plus compliqué de prendre un bus classique plutôt qu’un minibus aménagé. Mais c’est le prix à payer pour ne plus être mis à l’écart de la société. Plus les personnes handicapées emprunteront les transports en commun et plus on aura de crédit pour demander les aménagements dont elles ont besoin», martèle Silvio Sagramola.

En somme, la situation des handicapés n’est pas différente de celle des valides : si l’on veut davantage de droits et qu’ils soient correctement appliqués, il faut les revendiquer et se battre pour les conserver.

Erwan Nonet

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