Évoluer dans l’espace urbain en mettant à profit chaque muscle de son corps pour transformer les obstacles en tremplins, c’est le Parkour. Rencontre avec des mordus de la discipline.
Un jeune homme brun part comme une flèche après avoir pris son élan, rebondit sur un premier bloc de béton qui le catapulte sur un bloc bien plus haut duquel il s’envole en salto avant qui se termine au sol par une roulade tout en souplesse. Il se relève, sourire aux lèvres, prêt à remettre ça. Pas le temps de réfléchir, les mouvements presque félins s’enchaînent sans accroc. Derrière lui, deux autres jeunes hommes s’entraînent à se jeter dans le vide pour attraper une prise en se balançant à des barres parallèles sur fond de vignobles mosellans. Une jeune femme blonde les observe et les conseille. Il s’agit de quatre membres fondateurs de la toute jeune Kaizen Parkour Academy de Schengen : Carlo Glod, Mika Schaeffer, Émilie Bleser et David Holbrechts.
Pendant qu’ils évoluent entre ciel et terre, Marc Schaeffer, autre membre fondateur, se souvient : «Mes fils et moi voulions pratiquer le Parkour. Nous avons cherché où le pratiquer au Luxembourg. Il n’existait que de petits groupes, mais pas de structure réelle. Au même moment, le cercle de gymnastique de Remich m’a proposé de rejoindre le comité et de créer une section dédiée au Parkour.» Jusqu’au-boutiste, il s’est lancé, a appris les mouvements grâce au net et les a transmis à ses élèves. Le quinquagénaire est également à l’origine du terrain d’entraînement à côté du skate parc à Remich. Une blessure au genou le coupe dans son élan et Stéphane Crichton prend sa relève. Aujourd’hui, huit ans plus tard, ce sont Émilie, David, Mika et Carlo qui assurent les entraînements. «Des Allemands et des Français nous ont rejoints. La section n’a cessé de grandir. Et la fédération internationale de gymnastique a intégré la discipline. La fédération luxembourgeoise de gymnastique a suivi le mouvement. Nous avons décidé de créer une association et d’évoluer», complète David.
Mouvement urbain au même titre que le skateboard ou le graffiti, le Parkour a tardé à arriver au Luxembourg. Depuis, sa popularité ne cesse de croître. «Il y a de plus en plus de lieux dédiés au Parkour dans les villes et les communes. Quant à nous, nous sommes énormément sollicités pour tenir des ateliers, présenter la pratique lors de shows ou participer à des tournages de publicités. Esch2022 nous a notamment contactés», souligne David. «Le Parkour est de plus en plus demandé au Luxembourg.»
«La meilleure version possible de nous-mêmes»
«Il n’y a pas d’âge pour se mettre au Parkour. Nous avons des membres de 50 ans et plus», note Carlo. Une condition physique de grand sportif ne serait pas nécessaire pour débuter. «Être en forme est un atout, mais pas une obligation», indique Marc. «Un des enseignements de cette discipline est de ne pas se comparer aux autres, mais de devenir la meilleure version possible de nous-mêmes. Les personnes qui pratiquent le Parkour ne le font pas dans une optique de compétition.» «Sur le net, on voit les performances de traceurs qui pratiquent la discipline depuis plus d’une dizaine d’années», explique Mika, qui a appris des figures sur son trampoline jusqu’à la création de la section. «Personne n’est obligé d’atteindre un tel niveau. Ce qui est important, c’est d’apprendre à se connaître, à connaître son corps et ses limites pour se déplacer au mieux dans l’espace.»
Cette philosophie a plu à David, qui a troqué ses crampons de footballeur pour des sneakers tout-terrain. «L’avantage du Parkour, c’est qu’on peut en faire partout, tout le temps, sans matériel particulier», estime Carlo. «Gamins, on jouait au gendarme et au voleur. Il fallait qu’on file rapidement et qu’on saute des murs. C’était déjà un peu du Parkour.» Émilie, elle, a commencé à onze ans, il y a huit ans, et aime toujours autant. Marc regrette de ne pas avoir pu découvrir le Parkour aussi jeune.
«Maîtriser les bases avant de se lancer»
Les spots préférés des traceurs sont le Mudam et les ruines de châteaux parce que «le sol y est meuble et les murs ont différentes hauteurs». La pratique du Parkour est autorisée, sauf sur des terrains privés, et n’est pas dangereuse. «Le public s’imagine que nous sautons de toit en toit. Ce n’est absolument pas notre manière de pratiquer», indique Marc. «Monter sur le toit d’un bâtiment n’est pas légal. En outre, peu importe le niveau que l’on a, un millimètre peut être fatal. Ces images de type Yamakasi portent un message négatif pour la pratique.» «Le Parkour n’est dangereux que si on se surestime, ajoute Émilie, on l’apprend vite à ses dépens. Il faut rester concentré sur soi.»
Le mouvement motive les quatre jeunes, pas le danger. «Nous nous mouvons tous de manière différente. Personne n’est le meilleur, car nous avons tous des spécialités différentes», intervient Carlo. «Moi, j’aime jouer avec les obstacles. Il suffit par exemple de descendre des escaliers en sautant une marche sur deux. Cela permet de relier deux points de manière plus efficace.» Le Parkour n’est pas seulement une démonstration de figures spectaculaires. C’est aussi des petites choses que l’on retrouve dans la spécialité appelée callisthénie qui consiste en un ensemble d’exercices physiques de gymnastique et de musculation visant à l’amélioration des capacités physiques et de l’esthétique du corps. D’autres spécialités liées au Parkour existent comme le freerun, l’art du déplacement et la danse urbaine.
«En espérant qu’il reste populaire»
Le corps et l’esprit sont les outils qui permettent d’évoluer progressivement dans cette discipline à mesure des capacités individuelles de chacun. «Certains déplacements paraissent simples à réaliser et pourtant, ils sont le résultat d’une pratique répétée», explique Émilie qui conseille de d’abord maîtriser les bases avant de se lancer dans la cour des grands. Nos quatre jeunes s’y voient déjà. Tous étudiants, ils aimeraient faire converger leur parcours professionnel et leur sport préféré. «Les traceurs sont très demandés sur les plateaux de tournage de films, par exemple», indique Carlo. «Mais en vivre est difficile car beaucoup de monde s’y est mis. Il faut vraiment sortir du lot. Nous avons tous déjà des idées quant à notre avenir avec le Parkour, en espérant qu’il reste populaire aussi longtemps que possible.»
Les inscriptions aux entraînements sont en cours et les places sont comptées. L’association propose également des shows et des ateliers pour découvrir le Parkour. Plus d’informations sur le site kaizenparkouracademy.lu.
Sophie Kieffer