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Intempéries : le Mullerthal panse ses plaies


Témoin de l'ampleur des dégâts, il a fallu plus de 30 bennes de construction pour évacuer les gravats de l'hôtel-restaurant Le Cigalon. (Photo: Anne Lommel)

Un mois après avoir été submergé par des torrents d’eau et de boue, le Mullerthal se reconstruit. Les victimes tentent de réparer les dommages avec les moyens du bord en attendant les aides financières promises par l’État.

« En 20 minutes, toute notre vie était réduite à néant.» Rita et Philippe Stoque ont vu une vague de 5 mètres de haut déferler depuis la montagne, engloutir le camping avant de s’abattre et de traverser de part en part leur hôtel-restaurant Le Cigalon. Une situation inédite.

«Nous avons trouvé une table avec un plaque en marbre qui ne nous appartient pas dans notre salle de restaurant, raconte Rita. «Nos meubles sont disséminés dans la campagne alentour, le long de l’Ernz Noire.» L’Ernz Noire qui a absorbé les trombes d’eau venues de la Kasselbach et de la Waldbilligerbach.

Trois employés du couple qui dormaient au rez-de-chaussée ont été pris au piège dans 1,40 mètre d’eau et de boue. Une des employés a été emportée par les flots sur plusieurs mètres. Elle a heureusement pu être sauvée par les sapeurs-pompiers. «Il y a eu un bruit assourdissant. J’ai voulu descendre pour prévenir les secours et j’ai vu des troncs d’arbre flotter devant moi. C’était phénoménal.» Quand les secours sont arrivés une heure plus tard, l’eau s’était retirée. Il ne restait plus que de la boue et un constat amer. La famille Stoque ne se laisse pourtant pas abattre, même si, comme tous les habitants de la localité, ils ont peur d’une énième récidive.

Une armée de volontaire

«C’était la première fois de ma vie que je ne devais pas travailler à la fête des Mères. Un repas de famille était prévu, il est tombé à l’eau», ironise Rita. «Mes parents pleuraient», confie Fabien, un des deux fils du couple. Mon frère et moi avons alors pris les choses en main et cherché de l’aide. Nous ne voulions pas avoir recours à des entreprises qui auraient tardé. Notre priorité était de sauver le bâtiment.»

Une armée de volontaires débauchés sur un compte spécialement créé sur Facebook est venue d’un peu partout prêter main-forte à la famille. «Notre outil de travail a été détruit.» Les parents de Rita ont acheté l’hôtel-restaurant le 1er juillet 1956. Son époux y travaille depuis 36 ans. La peine est grande, mais la famille ne baissera pas les bras, ne serait-ce que par respect pour les personnes qui la soutiennent depuis un mois. «Nous avons travaillé 12 heures par jour, sept jours sur sept depuis la première vague, explique Rita. Nous avançons plus rapidement et nous avons noué de belles amitiés. Il nous arrive des choses folles! Un couple de touristes belges m’a donné le contenu de son porte-monnaie. Ils nous ont téléphoné de Belgique pour nous proposer de venir nous aider avec des amis ou nous prêter leur maison de vacances pour que nous puissions changer d’air.»

Pour le moment, les travaux sont en stand-by. «Nous avons fait tout ce qu’un particulier peut faire sans être obligé d’avoir recours à des entreprises», précise Fabien. Une levée de fonds a été organisée en ligne pour les Stoque. L’employeur de Fabien, un architecte, est venu sur place pour planifier la rénovation.

«Chaque jour, une nouvelle surprise»

Assis au milieu de murs nus et humides, malgré un raccordement provisoire à l’électricité et un confort plus que sommaire, Rita et son fils pensent à l’après, à la grande fête qu’ils feront pour remercier les bénévoles quand leur hôtel-restaurant ouvrira à nouveau. La famille vit à l’étage où sèchent les quelques factures qui ont pu être sauvées. Rita cuisine dans un studio attenant. «La cuisine du restaurant est inutilisable. Elle a été noyée sous 1,70 mètre d’eau. Nous avons mis trois jours pour atteindre la chambre froide», ajoute Rita. Femme courageuse, elle parvient encore à rire de l’ironie du sort : tout a été ravagé à l’exception du potager de son époux cuisinier, préservé du torrent comme par miracle.

À quelques pas du Cigalon, au centre d’information touristique de la Heringer Millen, le responsable, Robi Baden, a les pieds dans l’eau. Il écope le sable qui continue de venir se poser dans le petit canal en pierres qui mène au moulin. «Chaque jour, j’ai une nouvelle surprise. Des petites choses, comme du sable dans les thermostats des radiateurs du sous-sol, des taches qui apparaissent sur les murs, les portes qui ne ferment plus…» Pourtant, Robi Baden peut s’estimer chanceux par rapport aux autres commerçants de la localité. Si le sous-sol du moulin et son atelier de boulangerie ont été noyés et les appareils électriques qui s’y trouvaient, détruits, le restaurant et sa cuisine, remis à neuf l’an dernier, sont sauvés. «Les portes principales ont tenu le coup. Il n’y a eu que trois centimètres d’eau dans le couloir. C’est un miracle!»

«Nous sommes encore en train de nettoyer»

Robi Baden se démène chaque jour depuis un mois pour rendre son site à nouveau présentable pour accueillir des touristes. «Sans clients, malgré le soutien de la commune, je ne pourrai pas payer mon personnel», explique-t-il. Il compte sur les aides de l’État pour réparer les dégâts, mais «ce n’est pas pour tout de suite. Depuis un mois, je demande des devis.»

«Nous avons dû nettoyer et désengorger le lit de la rivière le lendemain matin pour permettre à l’eau qui venait des hauteurs de retrouver un cours normal et de se retirer des rues», raconte Robi Baden. Mardi dernier, des camions-bennes sont venus enlever les gravats. Ils ont fait près de 80 allers-retours. Nous avons également sorti six camping-cars de l’eau. Un pont en bois et en poutres de fer a été traîné sur 300 mètres.»

En une semaine, Robi Baden a tout remis en ordre. «La deuxième vague est arrivée. Il a fallu tout recommencer. Le moral en a pris un coup. Le tourisme fait vivre la région. Nous en avons besoin. Ici à l’Est, nous n’avons ni industries, ni zones commerciales ou artisanales. Il faut que nous arrivions à sortir la tête de l’eau.»

Peur de perdre sa clientèle

Au Cigalon aussi, tout avait été nettoyé. «L’eau avait été pompée hors de nos caves et nous avons pu recommencer du début», se souvient Rita Stoque. Des orages étaient encore prévus pour le lundi suivant. Nous avons construit un barrage avec des sacs de sable pour éviter une troisième inondation.»

Des entreprises les plus touchées par les inondations, il n’y a guère que le garage de José Sanchis à avoir été épargné. «Une fois, c’était suffisant», estime le patron du garage du Grundhof depuis dix ans. La première vague n’a pas épargné son affaire. L’eau a transpercé la porte d’entrée de son garage, l’a traversé, entraînant à sa suite les voitures d’occasion stationnées dans la cour ainsi que des gravats et des arbres, transperçant les parois et les fenêtres, détruisant tout sur son passage.

«Mes employés et moi sommes encore en train de tout nettoyer», indique José Sanchis, alors que derrière lui se trouve un trou béant donnant sur l’Ernz Noire, une forte odeur de moisi provient de l’accueil. «Les appareils, les machines, les ordinateurs, la salle de peinture, les ponts, tout a pris l’eau et la boue. Le stock de pièces aussi», regrette José Sanchis. Je vais tout devoir racheter neuf. J’attends l’aide de l’État. J’espère obtenir une aide équivalent au prix neuf de mes appareils. Je peux déjà m’estimer content que l’État prenne en charge la totalité des indemnités de chômage de mes cinq employés.»

L’homme est confiant en l’avenir – il en a vu d’autres, dit-il, même s’il avoue craindre de perdre sa clientèle. Pour s’occuper, en attendant la venue d’experts des assurances, il retape ses voitures d’occasion du mieux qu’il peut en espérant en récupérer un peu d’argent. Pas question de fermer boutique et d’aller travailler ailleurs. Comme les Stoque, Robi Baden ou Stefan Spaus, José Sanchis ne baisse pas les bras.

Sophie Kieffer

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