Les écoles de la commune d’Esch-sur-Alzette se préparent depuis des semaines pour accueillir au mieux les enfants à l’occasion de cette rentrée des classes très spéciale.
Plus de trois mille écoliers ont fait leur rentrée des classes ce matin à Esch-sur-Alzette. Une rentrée des classes unique en son genre et jamais encore expérimentée jusqu’à présent qui a valu aux édiles et aux responsables des établissements scolaires de la Métropole du fer une organisation presque militaire. Mandy Ragni, échevine responsable entre autres de l’enseignement et des structures d’accueil, se souvient : «Nous avons commencé par lister les salles autres que les salles de classe disponibles dans les différents quartiers de la commune, ainsi que tout ce que nous devrions mettre en place en vue de cette rentrée des classes. Ce n’est qu’une fois que nous avons eu les résultats du sondage adressé aux parents d’élèves par le ministère de l’Éducation que nous avons réellement pu commencer à nous organiser de manière précise.»
Les directeurs des écoles ont réparti les enfants en deux groupes (les fameux groupes A et B, comme au lycée). «Ce n’est qu’à ce moment-là que nous avons pu déterminer les adaptations à effectuer dans chaque établissement scolaire ou maison relais en fonction des différentes consignes du ministère qui nous parvenaient au fil des jours», poursuit l’échevine qui garantit que l’aménagement de toutes les salles de classe et des maisons relais permet le respect des règles de distanciation physique.
Des aménagements ont donc dû être réalisés qui participent au caractère inhabituel de cette rentrée, comme l’aménagement d’entrées différentes, la répartition des toilettes en fonction des groupes ou la création de parcours fléchés qui évitent aux élèves de se croiser dans les couloirs.
Les élèves ne sont autorisés à circuler que par petits groupes pour éviter des déplacements trop importants, les cours de récréation ont été divisées en différentes zones pour les différentes classes. «Cela permet à plusieurs classes de sortir à l’air frais en même temps et donc d’effectuer plusieurs pauses. Les aires de jeu dans les cours de récréation seront accessibles aux élèves de l’école, précise Mandy Ragni. Nous avons adapté nos politiques d’hygiène pour que les classes soient régulièrement nettoyées et désinfectées, de même que les jouets. Le personnel de nettoyage est présent en permanence. Des instructions claires lui ont été remises.»
«L’école est obligatoire»
Les classes ayant été divisées en deux, la commune d’Esch-sur-Alzette a dû réquisitionner des salles sur son territoire pour assurer les heures de cours, d’étude ou d’accompagnement en maison relais. «Elles ont été affectées aux écoles des quartiers à proximité. Il s’agit de deux salles de l’auberge de jeunesse, de salles à l’école Dellhéicht, de la salle de gymnastique de l’école Nonnewisen, de la Waldschoul et de la salle de sport de l’école Aérodrome à Lallange», indique Mandy Ragny. Mais qui dit classes divisées par deux, dit besoins supplémentaires en enseignants et en personnel encadrant. «Esch va obtenir quinze remplaçants permanents et seize étudiants, précise l’échevine. L’accompagnement qui a lieu l’après-midi est un vrai challenge pour les communes. Il nous manquait 96 personnes pour l’assurer. À la suite d’une annonce que nous avons passée, 70 personnes se sont manifestées et le ministère a promis de nous envoyer 30 personnes. Il s’agit d’animateurs, d’éducateurs et d’étudiants.»
Les écoliers ont, quant à eux, reçu des consignes et ont pu se familiariser avec les gestes barrières grâce à une vidéo réalisée spécialement pour eux et diffusée sur la chaîne de télévision locale. Une salle de classe fixe est assignée à chaque groupe. Le personnel enseignant et les éducateurs transitent entre les groupes dont ils ont la charge. Les éducateurs se chargent d’apporter le repas de midi aux enfants dans les salles de classe dont ils s’occupent.
Les enseignants sont libres d’organiser leurs cours comme ils le souhaitent dans le respect des gestes barrières. Pas question donc de se succéder au tableau et de se passer la craie. «Les enfants doivent circuler le moins possible au sein des salles de classe», explique Mandy Ragni. Pourtant, si les élèves doivent porter un masque sur le chemin de l’école, ils n’y sont pas obligés dans les classes. Pour acheminer tout ce petit monde, cinq bus scolaires supplémentaires ont dû être réquisitionnés par la Ville.
3 057 écoliers ont fait leur rentrée ce lundi matin. «922 sont accompagnés toute la journée. 250 de ces enfants n’ont jamais fréquenté de maison relais avant la crise, tient à préciser l’échevine. Certaines familles n’ont répondu ni au sondage ni aux sollicitations des enseignants durant le confinement. Nous les avons tout de même intégrées aux préparations et aux mesures d’accompagnement pour faciliter notre travail d’organisation.» Pas question pour ces familles de se défiler par peur du virus. «L’école est obligatoire. La crise n’a pas aboli cette règle, rappelle l’élue. À moins de faire partie des personnes vulnérables, les enfants doivent aller à l’école.»
Mandy Ragni dit comprendre la peur de certains parents d’envoyer leurs enfants à l’école ainsi que les craintes des enseignants et des éducateurs. Mais, souligne-t-elle, «Nous devons être solidaires pour nos enfants, faire preuve de cohésion et apprendre à vivre avec ce virus le temps qu’il disparaisse. Certains experts évoquent la possibilité qu’il mette deux ans à disparaître. Nous ne pouvons pas faire perdre ce temps à nos enfants. Il en va de leur avenir. Le contact social est important pour eux et il est nécessaire de combler les lacunes qu’ils ont accumulées ces dernières semaines. Si cette situation était amenée à s’étendre dans le temps, nous ne pourrions plus les combler.»
Parents, enseignants et éducateurs doivent, selon elle, inspirer confiance aux enfants, que cette rentrée va certainement brusquer. «Leurs repères vont être bousculés, assure-t-elle. Il ne faut pas oublier que pendant neuf semaines, les enfants ont été soustraits des interactions sociales et n’ont pas encore tous fait l’expérience de ces nouveaux gestes et de leurs conséquences sur les contacts sociaux. Nous sommes prêts à redémarrer et à poursuivre notre engagement d’édiles ou d’enseignants pour les faire progresser.»
Sophie Kieffer
«Il est temps de rétablir le contact»
Fabienne Faltz, institutrice en cycle 1 à l’école Aérodrome d’Esch-sur-Alzette, est prête «à parer à toutes les situations».
Comment vous êtes-vous préparée à cette rentrée scolaire si particulière ?
Cela fait deux semaines que nous préparons l’école et les salles de classe pour le retour des enfants. Nous avons séparé les jouets en trois pour correspondre aux groupes et rangé les classes de sorte que les enfants touchent le moins de choses possible et que le ménage soit plus facile à faire. Ces derniers jours, nous avons organisé le contenu des cours. Les enfants recevront chacun une boîte avec des affaires à leur nom qui les suivra partout. Nous avons également réalisé des affiches et des fléchages pour délimiter différentes zones ou aider les enfants à s’orienter dans l’école ou dans la cour de récréation. Nous voulons simplifier au maximum la vie des enfants.
C’est une énorme organisation que vous aussi allez devoir assimiler pour les guider.
Je ne m’en fais pas. Nous avons aussi dû assimiler certaines mesures au début du confinement et nous y sommes parvenus. Cette fois-ci, de nombreuses questions restent ouvertes pour lesquelles nous n’avons pas réellement de réponses ou de lignes directrices à suivre. Nous avons reçu des recommandations du ministère de l’Éducation nationale, mais entre la théorie et la pratique, il y a un monde, notamment en ce qui concerne les questions de notre responsabilité d’enseignant envers les enfants. Nous nous sentons un peu seuls malgré le soutien des autorités communales. Il y a beaucoup de choses auxquelles nous devons penser. Nous en faisons peut-être trop, mais nous voulons être prêts à parer à toutes les situations et ne faire prendre aucun risque aux enfants.
Comment réagissent les enfants face à cette période étrange ?
Certains ont vraiment hâte de pouvoir revenir à l’école. Leurs parents me disent qu’ils sont de mauvaise humeur, qu’ils sont plus nerveux et n’ont plus envie de faire les activités que nous leur envoyons. D’autres ont adoré pouvoir travailler à leur rythme entourés de leur famille. Il est temps de rétablir le contact. Ils nous manquent aussi.
La nature des activités que vous allez pratiquer avec les enfants va-t-elle changer ?
Au début, nous allons expliquer la situation aux enfants. Les premiers jours, ils vont surtout découvrir le nouveau fonctionnement. En fonction de l’espace dont nous disposons, nous pourrons les laisser jouer seuls ou à deux dans un coin en alternance. Nous allons aussi essayer de sortir beaucoup, d’aller prendre l’air. Il ne faut pas oublier que le nombre d’élèves par classe sera divisé par deux, cela facilitera notre travail. Je suis certaine que cela va bien se passer.