Interpellé par les députés Henri Kox et Gérard Anzia, Fernand Etgen s’est positionné en faveur du développement du bio dans les vignes. L’État, lui, joue le jeu.
Jusqu’ici, la viticulture luxembourgeoise ne s’est pas montrée particulièrement emballée par le bio. Dommage, d’autant que ceux qui se sont lancés n’ont pas à s’en plaindre!
Le 4 mars dernier, Le Quotidien se faisait l’écho de la question parlementaire posée par les députés écologistes Henri Kox et Gérard Anzia au ministre de l’Agriculture, Fernand Etgen. Elle portait sur l’opportunité d’interdire l’usage du glyphosate (la molécule du sinistre Roundup de Monsanto), du folpet (un fongicide utilisé pour lutter contre l’oïdium, le mildiou ou le botrytis) et du mancozède (un fongicide cancérogène) dans les vignes luxembourgeoises.
L’interrogation n’était pas émise inopinément puisque cette démarche est justement entreprise en ce moment même au sein de l’appellation Prosecco DOC (pour Denominazione di origine controllata). Or il n’aura échappé à personne que le prosecco est un des grands concurrents du crémant luxembourgeois, y compris sur le marché national. Henri Kox déclarait alors dans ces colonnes : « Cela permettrait de protéger efficacement la nature, mais cela offrirait aussi un point fort à nos vins par rapport à nos concurrents étrangers puisque les consommateurs sont de plus en plus concernés par la qualité de ce qu’ils mangent et de ce qu’ils boivent. »
La première AOP d’Europe sans pesticides
Si Fernand Etgen a rappelé que « le gouvernement n’a pas le droit d’imposer une pratique dans un cahier des charges d’une appellation d’origine contrôlée », il indique toutefois qu’il avisera «favorablement toute demande de la part de la profession viticole visant à introduire dans ce cahier des charges une interdiction ou réduction de l’utilisation du glyphosate, du folpet ou du mancozèbe».
Le ministre a d’ailleurs indiqué que la Moselle avait déjà entrepris le chemin vers une viticulture vertueuse. Le Fonds de solidarité a ainsi entériné l’interdiction de l’utilisation des insecticides contre le ver de la grappe dans les vignes de l’appellation d’origine protégée (AOP) Moselle luxembourgeoise puisqu’une méthode biologique (la confusion sexuelle) permet d’obtenir d’excellents résultats contre ce parasite.
Au final, aujourd’hui, le recours à tous les insecticides n’est autorisé que dans des cas exceptionnels devant être validés par des conseillers viticoles. «En conséquence, l’AOP Moselle luxembourgeoise sera la première AOP viticole au niveau européen « sans insecticides »», se félicite Fernand Etgen. Effectivement, ce n’est pas rien!
Le ministre ajoute que la Moselle luxembourgeoise est, avec les appellations allemandes, la seule région où les cépages interspécifiques (les PiWis) sont autorisés dans l’aire de l’AOP. Ces cépages naturellement résistants aux maladies permettent de réduire les traitements phytosanitaires de 80 %. Mais le cabernet blanc, le johanniter ou le pinotin sont encore très peu connus du grand public et seuls quelques vignerons du pays ont osé se lancer.
Expliquant que le glyphosate dilué à 15 ou 20 % de sa dose normale était encore souvent utilisé pour désherber la bande de 30 cm située sous les pieds des ceps, Fernand Etgen a indiqué que l’État aidait financièrement les vignerons qui abandonnaient cette méthode (de 350 à 550 euros par hectare, selon la pente de la parcelle). En conséquence, il conclut qu’«il est tout à fait possible que la profession viticole luxembourgeoise interdise les herbicides pour l’élaboration d’un produit comme le crémant de Luxembourg».
Il ne reste plus qu’à convaincre les vignerons… et la tâche n’est mince : les vignes bios ne représentent qu’à peine plus de 3 % de la surface cultivée et cette proportion stagne… Il va falloir faire preuve de persuasion!
Erwan Nonet