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Crémant : le boom de l’extra-brut


Jean-Marc Schlinck et son père René présentent le Knuppert pour la première fois au Springbreak. (Photo Julien Garroy)

Il y a des nouveautés à découvrir aux stands des vignerons présents au Springbreak,  à Luxexpo. Parmi elles, deux crémants originaux : des extra-bruts.

Dans la région de la Moselle comme en Champagne, la tendance est à l’extra-brut. Sans ajout de sucre après le dégorgement, ces bulles ne peuvent pas tricher : seuls le terroir et la qualité des raisins et de la vinification parlent. Les domaines Schlink et Kox viennent de s’y mettre. On peut déguster ces vins inhabituels en ce moment à Luxexpo, dans le cadre du Springbreak.

Le domaine Schlink, à Machtum, produit déjà un excellent crémant, la Symphonie en bulles. Basées essentiellement sur du chardonnay (70 %), ses bulles légères – fruit d’un long passage sur lattes – enchantent. Le domaine, toutefois, souhaitait aller encore plus loin et, en 2014, il s’est décidé à tenter une expérience.

Alors qu’il était question que les crémants entrent dans la Charta Privatwënzer (devenue Charta Luxembourg aujourd’hui), Jean-Marc Schlink et son père René décident de réserver une partie de la récolte 2014 pour élaborer une cuvée d’exception. Du pinot blanc (30 %), du riesling (30 %), du chardonnay (20 %) et du pinot noir (20 %) sont donc assemblés. Une composition bien différente de leur crémant traditionnel.

Pour accentuer le caractère de cet assemblage, il est décidé de le sortir en extra-brut. C’est-à-dire qu’à la suite du dégorgement, lors de l’expulsion des levures qui ont permis la prise de mousse, aucune dose de sucre n’est ajoutée dans la bouteille. C’est à ce moment-là que l’on définit le caractère d’un crémant (ou d’un champagne) : le plus souvent en brut ou demi-sec.

Zéro sucre et 39 mois

Le choix du zéro sucre est ambitieux, car il interdit le maquillage du vin. Imaginons que les raisins aient été récoltés un peu trop tôt, l’acidité des vins de base sera prononcée. Si le vinificateur estime que ce caractère est trop prononcé, il pourra corriger en augmentant légèrement la dose de sucre dans la liqueur de dosage, ajoutée juste avant l’insertion du bouchon.

Dans le cas de l’extra-brut, on retrouve donc l’expression la plus pure des raisins et de leur terroir. Le pari ne peut être réussi que si la matière première a fait l’objet d’un soin absolu, tant dans les vignes que lors de la récolte et de la vinification.

Le temps passe et, finalement, le projet de crémant de charte n’aboutit pas. Qu’à cela ne tienne, le domaine lancera donc une cuvée spéciale avec ces bouteilles qui dorment bien à l’abri. Après 39 mois sur lies (la législation en impose 9 au minimum), Jean-Marc et René Schlink estiment qu’il est temps que ces bulles soient mises sur le marché.

Et ils n’ont pas eu tort, le résultat est à la hauteur de leurs attentes. Certes, le crémant porte en lui une certaine acidité, mais elle n’est pas agressive. Il ressort même de ce vin une rondeur inattendue et ses arômes de fruits exotiques très présents lui offrent beaucoup de gourmandise. «Ce crémant me rend fier, glisse Jean-Marc Schlink, qui a toutes les raisons d’être content de lui. J’aime beaucoup son harmonie. Bien sûr, on n’en boira pas une bouteille entière tout seul, mais c’est un crémant haut de gamme que je trouve très intéressant.»

Une sirène à tête de poisson

Son nom et son étiquette font aussi dans l’originalité. Knuppert, mais qu’est-ce que cela veut dire? «Cela vient d’une vieille légende mosellane, explique Jean-Marc. On disait qu’avant, une sirène vivait dans la Moselle. Mais lorsque les hommes ont commencé à transformer le fleuve, elle s’est mise en colère parce qu’avec tout le bruit des travaux, sa tranquillité s’était envolée. Alors pour échapper au vacarme, elle s’est réfugiée dans le Kelsbaach, un ruisseau qui passe près de notre domaine à Machtum. Comme il n’y avait pas assez d’eau, elle a demandé à des sorcières de creuser un tunnel sous la colline et c’est là qu’elle vit désormais!» Et Knuppert, dans tout ça? «Ça, c’est le mot luxembourgeois qui exprime le bruit des explosions, les « booms » produits par les travaux d’aménagement de la Moselle qui ont fait fuir la sirène.»

Si l’étiquette est née de la main de l’artiste qui a signé toutes celles du domaine, elle tranche avec les autres. On y voit une sirène inversée : un corps de femme surmonté d’une tête de poisson. Dans la main, justement, elle tient une bombe à l’allure de montgolfière qui s’apprête à exploser. Chacune sera numérotée à la main.

La longueur de l’élevage, les soins portés aux raisins et à la vinification en font un produit que l’on place au sommet de la pyramide. Son prix, 26 euros, l’indique. Mais plus que cela, le souci est plutôt sa rareté : seules 2 000 bouteilles ont été produites! Les amateurs et les curieux ne devront pas tarder s’ils veulent tenter l’expérience. Car le plus triste dans cette histoire, finalement, est que cette série est unique. La maison n’a pas gardé de raisins pour tenter l’expérience sur les millésimes suivants. Après la dégustation, on ne peut que le regretter, tout en se consolant en écoutant Jean-Marc : «Peut-être que nous en referons et, de toute façon, nous avons également d’autres expériences en cours dans la cave!» On a hâte de voir ce que ça donne.

À déguster au Springbreak (Luxexpo, 10, circuit de la Foire-internationale à Luxembourg-Kirchberg). Ce samedi de 10 h à 21 h et ce dimanche de 10 h à 19 h.

Erwan Nonet

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