Le choc de la tornade a cédé la place à une solidarité exceptionnelle. Après le déblayage, la reconstruction commence tout juste. Les âmes seront plus longues à se réparer.
En arrivant à Pétange, difficile d’imaginer la violence de la tornade qui a traversé la commune le 9 août. Par terre, plus une branche qui traîne, tous les débris ont été ramassés. Les arbres abîmés ont été coupés et évacués. C’est en regardant les toits bâchés de nombreuses maisons situées avenue de Luxembourg qu’on comprend que le cauchemar n’est pas fini pour les habitants. Seuls quelques ouvriers sont à l’œuvre, ils évacuent les plaques des toits abîmés et les remplacent. Tout autour, c’est le calme plat près de 30 jours après la catastrophe.
Les travaux débutent à peine
«On vient sur place pour donner directement les autorisations de travaux dans l’urgence», explique un inspecteur en assurance qui préfère rester anonyme. Certains propriétaires n’ont pas contacté leur assurance pour le moment : «Des déclarations de sinistre nous arrivent encore, car les gens reviennent de vacances.» Un habitant qui vient de recevoir la visite de l’assureur confirme : «Mon voisin est toujours au Portugal, même s’il sait ce qui s’est passé.» À cela s’ajoutent les congés collectifs des professionnels du bâtiment qui se sont terminés le 18 août. Les devis arrivent donc au compte-goutte. «Ce n’est pas de notre faute si ça ne va pas plus vite, on fait au mieux», poursuit le représentant de l’assurance qui enchaîne les rendez-vous.
Cette compagnie a déjà enregistré environ 300 sinistres. Quelques jours après la tornade, l’Association des compagnies d’assurances et de réassurances du Grand-Duché de Luxembourg (ACA) avait avancé le chiffre de 2 400 demandes d’indemnisation. Un chiffre qui a dû gonfler depuis.
Pour l’inspecteur, si la tornade a été exceptionnelle, la situation, qu’il compare aux inondations, l’est moins. Par contre, le type de dégâts est différent, notamment les façades criblées d’ardoises ou de pièces de bois.
«Une flamme géante» arrive sur Pétange
Jos (le nom a été modifié), bientôt 80 ans, était chez sa copine en Allemagne au moment de la tornade. Il a pourtant suivi la catastrophe en direct grâce à Facetime. «Mon fils m’a appelé pour me montrer en direct. J’ai vu la tornade se diriger vers Pétange et comme un immense éclair, une flamme géante, se former au-dessus de Bascharage. Mon fils m’a dit : « Ton toit est sûrement parti. » Il a voulu venir voir, mais les policiers avaient déjà barré la rue quand il est arrivé.» L’octogénaire a rejoint sa maison seulement quelques jours plus tard, sachant qu’il ne pourrait pas la réintégrer tout de suite. Heureusement pour lui, son toit ne s’est pas envolé, seulement des plaques, ses volets sont cassés et d’autres dégâts sont à noter. Il a pu retourner dans son logement, contrairement à d’autres habitants de sa rue. Désormais, il attend avec impatience le début des travaux. Mais le plus important pour lui n’est pas matériel : «À côté une vieille dame a failli faire une crise cardiaque, une autre en a réellement fait une», déplore-t-il. Heureusement, la solidarité vient mettre du baume au cœur : «Tout le monde aide tout le monde, ça il faut le souligner. Des gens sont même venus de la Moselle pour donner un coup de main.»
Impressionnée par le travail des pompiers
Un sentiment très partagé dans les deux localités les plus touchées, Bascharage et Pétange. Carole Wiscour-Conter a été impressionnée par «l’efficacité des pompiers. L’État a mobilisé très vite des ressources, les choses ont été bien organisées et de nombreuses personnes se sont mobilisées», raconte l’habitante de la rue du Moulin à Bascharage. Une fenêtre de toit s’est envolée, les vitres des balustrades ont explosé. «Nous avons directement appelé les assureurs pour déclarer le sinistre. La centrale était tout le temps occupée, alors notre agent d’assurances l’a fait pour nous. Nous avons été pris en charge assez vite.»
Des poules envolées avec la tornade
La maison de Mariette Meyers est remarquable dans l’avenue de Luxembourg à Pétange. Au loin, on voit les plaques de sa façade éventrée. Pourtant, ce n’est pas ce qui blesse le plus l’habitante dont c’est la maison natale : «Nous avions plusieurs grands arbres de plus de 10 mètres de haut, dont un tilleul et des bouleaux qui étaient là», dit-elle en montrant un vaste espace de terre battue. «Ils ont été littéralement broyés. Beaucoup de nos poules ont disparu. On en a retrouvé deux mortes, les autres se sont envolées avec la tornade. Les oies, elles, se sont protégées, elles ont peut-être senti le danger.»
Mais le plus spectaculaire se trouve du côté de l’ancienne étable de 11 mètres sur 15, construite dans les années 60 : les deux étages supérieurs se sont envolés comme s’ils n’avaient jamais existé. Mariette montre les photos de son terrain juste après la tempête. Sur plus d’un mètre de haut, il n’y a que des débris qui ont tout envahi. Cependant, elle insiste : «Tout ça ce n’est pas grave, le pire ce sont les gens qui n’ont plus de toit, ça ça me fait mal au cœur. Un voisin est venu pleurer le premier soir chez moi, c’est terrible.» En comparaison Mariette ose à peine se plaindre. Pourtant, elle a tout de même dû appeler les secours pour son mari, trois jours plus tard, à la suite du choc.
La peur aussi a été grande : «Lorsque ça a commencé à tonner, je suis allée fermer les fenêtres et les volets. J’ai dû mettre tout mon poids pour réussir. Je n’avais pas compris que c’était une tornade. Je ne me rendais pas compte du risque et j’ai eu de la chance. La tornade a frôlé la maison et est partie subitement de l’autre côté de la rue où elle a arraché le toit. Le vent s’engouffrait dans la maison et la fenêtre aurait pu être aspirée.»
Heureusement, encore une fois, la solidarité a joué. Dix personnes, des secouristes, des pompiers volontaires et d’autres, ont passé une journée à tout déblayer à l’aide d’engins de chantier. Là aussi, elle tient à montrer les photos et, cette fois, c’est un sourire qu’on lit sur son visage. «Jamais je n’aurais pensé qu’autant de personnes, dont beaucoup que je ne connaissais pas, puissent se donner autant de mal pour nous. C’est un beau souvenir, ils nous ont apporté tellement…» Le souvenir moins beau qu’elle garde d’après la tornade, c’est le tourisme de catastrophe : «Les gens venaient avec leurs appareils photo alors que nous étions tous avec nos pelles à retirer les gravats.»
Pour cette famille, comme pour beaucoup, il y a un avant et un après le 9 août 2019, une date qui restera gravée dans les mémoires.
«Elle ne sort plus de chez elle»
Sonia Ruano, 38 ans, habite rue des Romains à Pétange. Une rue qui, selon elle, a changé : «Avant, quand je promenais mon chien vers 20 h, 21 h, il y avait toujours du monde. Maintenant, c’est calme et le silence de la rue devient pesant», raconte la mère de famille rentrée en catastrophe de vacances avec ses quatre enfants dans la maison qu’ils n’occupent que depuis 18 mois et où tout venait d’être refait. L’assureur, rapidement contacté, a envoyé un expert dans les 48 heures. Les habitants des jardins adjacents se sont regroupés avec de l’aide extérieure pour tout déblayer. La solidarité a encore une fois joué et le travail s’est terminé par un joyeux barbecue. Les dégâts de leur maison devraient être rapidement réparés, mais les stigmates psychologiques, eux, auront besoin de plus de temps : «Le plus dur, c’est pour les gens âgés et seuls. J’ai une voisine de 87 ans qui jusque-là était en forme. Après la tornade, elle m’a dit qu’on se croirait après la Secondee Guerre mondiale. Elle semble déprimée, ne sort plus de chez elle. J’espère qu’elle retrouvera sa joie de vivre.»
La solidarité est restée. Désormais, tout le monde se parle dans le voisinage, mais la tornade reste dans toutes les discussions dans le bar à proximité.
Audrey Libiez