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[Agriculture et viticulture] Romain Schneider : «En temps de crise, il faut toujours garder ses valeurs»


Romain Schneider, lors de la vidéoconférence du Conseil Agriculture et Pêche, mercredi dernier. (Photo : AFP)

Comment se porte la viticulture, et l’agriculture en général, en cette période difficile? Le ministre Romain Schneider revient sur toutes les problématiques d’un secteur inquiet, mais plus que jamais au travail.

Comme pratiquement tous les secteurs de l’économie luxembourgeoise, l’agriculture, et donc la viticulture, a besoin des frontaliers. Les frontières vont-elles rester ouvertes pour les saisonniers?
Romain Schneider : Elles restent ouvertes et j’en profite pour remercier nos voisins de ce geste de solidarité. Les saisonniers français ou allemands peuvent venir travailler dans les vignes luxembourgeoises comme les vignerons luxembourgeois peuvent aller dans leurs vignes situées en France ou en Allemagne, comme cela arrive au pays des Trois Frontières (NDLR : autour de Schengen). Les vendanges, le moment où le besoin de saisonniers est le plus important, débuteront en septembre, c’est encore bien trop loin pour se projeter. Ceci dit, nous réfléchissons déjà à des solutions si la situation devait perdurer.

Comment évaluez-vous l’étendue des besoins en main-d’oeuvre?
Il est effectivement essentiel d’avoir la vision la plus juste possible. La Chambre d’agriculture dresse l’inventaire de ces besoins pour l’agriculture, la viticulture et l’horticulture. La MBR (NDLR : Maschinen und Betriebshilfsring Lëtzebuerg, une coopérative qui vise à l’entraide entre agriculteurs, au sens le plus large) est également très bien placée pour nous aider. Avec eux, nous analysons les besoins en main-d’oeuvre et, ensuite, nous verrons où nous pourrons trouver et recruter les personnes nécessaires.

S’il y a un secteur où l’on ne parle pas de chômage technique en ce moment, c’est bien l’agriculture…
Ils sont tous en plein travail. Les viticulteurs mais aussi les agriculteurs qui préparent les champs pour les semis. Au moins, ils ont la chance d’avoir le beau temps avec eux. Il est essentiel qu’ils puissent aller travailler sans problème. Ils doivent simplement respecter les restrictions normales comme la distanciation d’au moins deux mètres, le fait d’éviter les contacts…

Le gouvernement vient de mettre en place des mécanismes d’aides aux entreprises qui souffrent de la situation. Les exploitations agricoles et viticoles peuvent-elles également en profiter?
Bien sûr, comme toutes les autres entreprises. Il y a environ 300 entreprises viticoles au Luxembourg, dont la moitié qui emploie du personnel, et elles peuvent bien sûr bénéficier de ces instruments pilotés par le ministère de l’Économie. Ces mesures sont très récentes et je n’ai pas encore de chiffres, puisqu’il ne s’agit pas de mon ministère, mais j’imagine que plusieurs ont déjà dû effectuer les démarches.

Mercredi dernier, lors du dernier Conseil européen Agriculture et Pêche, vous indiquiez que les fluctuations des cours sur les marchés des produits agricoles faisaient l’objet d’une surveillance permanente. Comment fonctionne ce monitoring?
Cette surveillance est très importante. Sur le plan national, elle est menée par le ministère de l’Agriculture et le service de l’Économie rurale. L’Union européenne dispose également de son propre système de monitoring. Nous étudions ces mouvements de marchés, nous observons les perspectives et nous tirons les conclusions qui s’imposent. Contrairement au lait ou à la viande de porc, le vin n’est pas le marché le plus fragile à ce niveau-là.

Lors de ce même Conseil, vous avez déclaré que « tous les professionnels du secteur agricole sont un pilier essentiel et indispensable dans l’approvisionnement de la chaîne alimentaire ». Quelle est l’importance du vin, un produit de luxe dont on peut se passer, dans ce pilier?
En temps de crise, il faut toujours garder ses valeurs. Le vin est une tradition ancestrale au Luxembourg. Il s’agit d’un produit identitaire qui tient une place importante dans notre société. Je ne le classe pas parmi les produits de luxe, plutôt comme un produit citoyen. Et puis, la conduite d’une vigne nécessite des soins permanents qui projettent le vigneron sur une longue échéance. Si ces soins ne pouvaient pas être effectués pendant un laps de temps donné, le risque de perdre toute une récolte n’est pas exclu. Le vin n’est peut-être pas le produit le plus essentiel en tant de crise, mais il tiendra toujours une grande place dans l’agriculture luxembourgeoise.

À Remich, l’Institut viti-vinicole a restreint son activité, mais les vignerons peuvent toujours faire appel à ses services. C’est essentiel pour vous?
Comme dans tous les ministères et les administrations, il est en service réduit. Mais toutes les activités nécessaires aux vignerons, notamment le laboratoire et la consultance, sont opérationnelles pour l’instant et elles le resteront le plus longtemps possible.

De manière plus générale, êtes-vous inquiet pour l’agriculture luxembourgeoise?
La situation est sérieuse pour l’économie en général. Son évolution est suivie de près. C’est ce qui permet au gouvernement d’apporter des solutions aux problèmes qui se posent au fur et à mesure de l’évolution de la pandémie. Il est important de prendre le temps nécessaire à une bonne évaluation, notamment sur les perturbations des marchés. Et il faut déjà se mettre ensemble pour être prêt lors de la redynamisation de l’économie, pour que tout le secteur puisse se relever au mieux de cette période difficile.

Vous êtes déjà dans l’après crise?
(Il sourit) Dans ma tête, non, je ne suis pas encore dans l’après (NDLR : Romain Schneider est également le ministre de la Sécurité sociale). Nous sommes en plein dans la crise et nous ne savons pas si elle durera encore deux semaines, deux mois ou six mois… Nous sommes encore loin du redémarrage, mais il faudra être prêt. Ce n’est pas la question première, mais en tant que ministre de l’Agriculture et de la Viticulture, je l’ai dans un coin de ma tête.

Entretien avec notre collaborateur Erwan Nonet

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