« La sécheresse fait qu’on a un très beau taux de sucre. En même temps, on a gardé une très belle acidité et aucune perte due à la pourriture ». Dans la commune belge de Haulchin, proche de la frontière française, les vendanges ont commencé début septembre sous un soleil éclatant.
Sur le domaine des Agaises plusieurs vendangeurs, penchés sur les vignes, disputent à une imposante machine la cueillette des raisins, d’une qualité particulièrement haute cette année.
Supervisant l’équipe, Arnaud Leroy, responsable de la commercialisation du vin effervescent Ruffus, ne cache pas son enthousiasme : « On est parti pour faire une superbe année ! ».
Il espère pouvoir tirer plus de 300 000 bouteilles de ces vendanges, deux fois plus qu’en 2021, une année marquée par un gel printanier désastreux.
Les mois de juillet et d’août 2022 ont été les plus secs jamais relevés depuis 1991 en Belgique, avec des précipitations deux fois moins importantes que la normale.
Des conditions idéales pour le développement du raisin, qui a entraîné ces dernières années l’apparition de nombreux vignobles, dans ce pays connu plutôt pour sa bière. En 2021, la Belgique comptait 237 vignerons, contre 198 en 2020 et 154 en 2019, selon les chiffres du ministère de l’Économie.
Vignerons et experts restent cependant prudents sur le moyen terme, inquiets des dérèglements liés au réchauffement climatique.
« On connaît régulièrement des vagues de chaleur au printemps », souligne Arnaud Leroy. Conséquence ? « La vigne se réveille beaucoup trop tôt et on a déjà des bourgeons début avril, alors qu’on n’a pas encore passé les Saints de glace », une période critique durant laquelle des bourgeons trop matures peuvent être brûlés par le gel.
Négatif à long terme
Autre risque lié, lui, à la sécheresse, l’échaudage ou la brûlure des grains de raisins par le soleil.
On en aperçoit déjà quelques-uns, durs et noirs, dans les vignes du domaine. Si les pertes seront minimes cette année, il a déjà été décidé de ne plus effeuiller les vignes, une technique traditionnellement utilisée pour exposer le raisin au soleil.
« Il y a un petit effet positif du réchauffement climatique dont certaines cultures vont pouvoir bénéficier », explique Julien Hoyaux, de l’Agence wallonne de l’air et du climat. Le raisin, le soja ou le tournesol en font partie. En revanche, la pomme de terre, la betterave sucrière ainsi que l’orge et le houblon, deux ingrédients principaux de la bière, en souffrent particulièrement.
Cependant, souligne l’expert, les événements climatiques extrêmes, de plus en plus fréquents, font peser une vraie menace sur l’ensemble des cultures.
« On peut avoir de très bonnes conditions au niveau du semi, puis on va avoir un événement extrême, comme une sécheresse qui va griller les grains ou trop de pluie, qui va gâcher une récolte », détaille-t-il, évoquant les pluies diluviennes de l’été 2021 en Belgique.
Pour Guillaume Jacquemin, docteur en sciences de l’agronomie, le constat est implacable : « Même si, pour l’instant, on peut bénéficier en Belgique de certains aspects du réchauffement climatique, on sait que ça va évoluer négativement ».