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Procès Heaulme : retour sur la confrontation avec l’ex-gendarme Abgrall


Jean-François Abgrall n'a pas flanché : oui, en 1992, Francis Heaulme lui a dit qu'un jour "dans l'est de la France", il a reçu des cailloux, jetés par des enfants. (photo AFP)

Le « routard du crime » et le gendarme qui l’a arrêté, côte à côte : le procès de Francis Heaulme pour le double meurtre de Montigny-lès-Metz en 1986 a tourné, mardi, à une confrontation avec celui qui aurait, un jour de 1992, recueilli ses presque aveux.

« Chaque fois que je passe quelque part, il y a un meurtre. Mais Montigny ce n’est pas moi », a répété Francis Heaulme, à quelques centimètres à peine de Jean-François Abgrall, dont le témoignage tend à l’incriminer. L’ex-gendarme, devenu enquêteur, venait de déposer pendant quatre heures, passé au grill par la défense de Heaulme, qui l’accuse à demi-mots d’avoir inventé une conversation avec l’accusé, le plaçant près du talus SNCF sur lequel Cyril Beining et Alexandre Beckrich, 8 ans, ont été retrouvés le crâne fracassé à coups de pierres.

Droit dans son costume noir, Jean-François Abgrall n’a pas flanché : oui, en 1992, Francis Heaulme lui a dit qu’un jour « dans l’est de la France », il a reçu des cailloux, jetés par des enfants. « Je suis parti. Lorsque je suis revenu plus tard, j’ai vu le corps des gamins morts près des wagons. » De déclarations recueillies à la maison d’arrêt de Brest et qui, dans la méthodologie Heaulme, correspondent presque à des aveux, a expliqué Abgrall. « Il n’y a pas d’aveux chez lui, c’est des bouts d’infos, qui demandent de faire des vérifications. Il est capable de restituer des choses en détails, par contre reconstituer une histoire, il ne sait pas faire », détaille l’ancien gendarme.

Des « pépins » qu’il mélange

Et de donner une « leçon de Heaulme » : le tueur parle de « pépins » plutôt que de meurtres, mélange les éléments de l’un avec l’autre… « tout est bon, mais n’est pas à sa place ». Heaulme n’invente jamais, il mélange, forçant ainsi les enquêteurs à mener « une enquête à l’envers », à chercher des affaires non résolues qui collent avec les détails, très précis, qu’il peut donner. La route de Jean-François Abgrall, gendarme à la section de recherche de Rennes, croise celle de Francis Heaulme après le meurtre d’Aline Peres, 49 ans tuée à coups de couteaux sur une plage bretonne en mai 1989. C’est le début d’une traque qui s’achèvera avec l’arrestation en Alsace en 1992 du « routard du crime », condamné depuis pour neuf meurtres, et dont Abgrall a aussi dessiné le profil.

Ses hospitalisations volontaires, avant ou après les « pépins » ? Une façon de se mettre à l’abri. Les meurtres ? Ils ont tous, d’une façon ou d’une autre, une connotation sexuelle. « D’ailleurs on s’est aperçu que c’est des choses qui l’énervaient, on s’est abstenu de parler de sexe. Dès qu’on parle de sexualité, il a un mot pour ça il dit, ‘je ne suis pas un sadique’ « .

Toujours la même phrase

Une longue déposition, au cours de laquelle le président et certaines parties civiles, ont souligné les ressemblances avec Montigny. Le pantalon baissé d’Alexandre, comme les hospitalisations. Mais rien de suffisant pour la défense, qui a attaqué le gendarme sur l’absence de procès verbal pour les déclarations supposées de Heaulme en 1992. Entre celles-ci et le signalement, en 1997, du possible lien avec l’affaire de Montigny, rien, pas un mot d’Abgrall. Logique, répond ce dernier, car les meurtres de Cyril et Alexandre n’apparaissent pas dans ses fichiers : un homme était en prison, Patrick Dils, qui sera acquitté en 2002, et l’affaire était donc classée. C’est la lettre d’une avocate de Dils, estimant qu’un lien pouvait être fait entre Heaulme et Montigny, qui va faire ressortir les déclarations de 1992 sur un passage, à vélo, dans l’est de la France, du « routard ». Et ce sont ces déclarations qui vont permettre la révision de la condamnation de Dils. Quinze ans plus tard, Dils est définitivement hors de cause. Et Heaulme ne reconnaît pas avoir tué les enfants.

Longuement interrogé mardi matin sur ses neufs meurtres, il s’est muré dans un silence seulement interrompu par moments d’une seule et même phrase : « Montigny, c’est pas moi ».

Le Quotidien/AFP

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