Accueil | Actualités | Procès Heaulme : les codétenus accusent

Procès Heaulme : les codétenus accusent


Depuis deux semaines, Heaulme ne dit rien. Sauf, en boucle, "Montigny, c'est pas moi". (illustration AFP)

Après deux semaines consacrées à tout sauf à l’accusé, le procès de Francis Heaulme pour le meurtre de deux enfants en 1986 a pris un tournant jeudi, avec l’audition de co-détenus qui ont longuement détaillé les confessions qu’il leur aurait fait.

« Francis, je suis ton ami ». Pascal M., qui a partagé par trois fois la même prison que Francis Heaulme, vient d’expliquer que « le routard du crime » avait à mi-mot avoué avoir tué Cyril et Alexandre, 8 ans, le 28 septembre 1986 sur un talus SNCF à Montigny-lès-Metz.

Pour appuyer son propos, une lettre que Heaulme a écrit le 10 mars 2005. « Je suis tranquille pour Montigny-lès-Metz, ils peuvent pas dire que c’est moi parce que personne m’a vu faire ça », y dit-il, de son écriture enfantine et mal orthographiée.

« Oui j’ai marqué ça », reconnaît Heaulme interrogé par le président Gabriel Steffanus. Mais « il m’a fait rédiger la lettre ». A l’époque, les deux hommes ne sont pas dans la même prison, souligne M. Steffanus.

« Y a rien contre moi, y a rien », lâche depuis son box l’accusé. « Montigny c’est pas moi, je vous dit ».

Une phrase que Heaulme répète en boucle depuis l’ouverture du procès le 25 avril, muré dans ses dénégations.

Il a bien failli s’ouvrir un peu, jeudi, face à son ex-codétenu. M. venait de décrire leur amitié de maison d’arrêt, les mots qu’ils se passaient par la fenêtre sur de petits papiers, pour que les autres ne sachent pas qu’ils échangeaient.

« Francis c’était … je lui ai dit, t’es mon ami. J’aime l’homme que tu es, t’as fait des conneries, c’est pas à moi de te juger Francis. Mais y a un truc que je comprends pas. T’es connu pour avoir tué plein de gens, là tu donnes des éléments laissant à penser que peut être c’est toi. Pourquoi tu leur dit pas ? T’as plus rien à perdre ».

Dans le box, vêtu de son immuable chemise rayée bleue et grise, Heaulme est debout. La salle se tend, espère qu’il va répondre, dire quelque chose. Pascal M. est le seul qu’il n’a pas accusé de mentir.

Mais la défense s’agite, le président coupe court au microscopique échange. « La justice est aussi là pour réparer », plaide le détenu à l’accusé.

Un excellent joueur d’échec

Plus tôt, un autre codétenu venu témoigner, en fauteuil roulant, a dessiné un Heaulme excellent aux échecs, « avec toujours 7 à 10 coups d’avance », qui offrait café et bonbons à mâcher dans sa cellule d’Ensisheim (Alsace).

Un jour, sur un petit papier Heaulme lui conseille de regarder un reportage de France 3, sur Patrick Dils, le jeune homme condamné en 1989, acquitté en 2002.

Des discussions s’en suivent. Un jour, Heaulme se montre agité, angoissé : il doit être entendu par un juge.

« Je lui ai expliqué qu’il n’avait rien à craindre, et c’est là qu’il me détailla ce qu’il s’était passé exactement, et que Patrick Dils a été condamné à sa place. »

Puis vient la description du talus, des enfants qui jettent des cailloux, de Heaulme qui monte et les attrape.

Le matin même, un gendarme chargé de reprendre l’enquête entre 2002 et 2006, avait, lui aussi, raconté ce que Heaulme lui avait confié.

Heure par heure, il est revenu sur la garde-à-vue de Heaulme en mai 2006.

« À H -9 avant la fin de l’audition, il dit qu’il est allé à Metz. A H -8, qu’il a passé l’après-midi au square du Luxembourg et s’est rendu sur la tombe de sa mère au cimetière de l’est; à H -6, H -5, il me dit qu’il est monté sur le talus, voit un homme lui faire des singeries, le suit, chute sur les rails. Il dit qu’il saigne de l’arcade, puis voit les corps de deux enfants, les appelle en disant +petits, petits+, s’en approche, en retourne un, +celui qui n’a pas le pantalon baissé+. Puis il ne me dit plus rien. »

Le président confronte l’ex-codétenu. « Vous vous êtes confié à un procureur à l’automne 2002, vous confirmez aujourd’hui ? – Oui, oui. Je confirme tout, ça me touche très profondément, quand j’y pense j’en ai les larmes aux yeux. J’aurais préféré qu’il me dise rien, qu’il m’en parle pas, qu’il me dise pas tout ça ».

Depuis deux semaines, Heaulme ne dit rien. Sauf, en boucle, « Montigny, c’est pas moi ».

Le Quotidien / AFP

PUBLIER UN COMMENTAIRE

*

Votre adresse email ne sera pas publiée. Vos données sont recueillies conformément à la législation en vigueur sur la Protection des données personnelles. Pour en savoir sur notre politique de protection des données personnelles, cliquez-ici.