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Nancy : rendre aux patients leur «nez d’avant»


Le docteur Nguyen du CHU de Nancy-Brabois, en pleine séance liée au protocole (Photo : AFP).

Rendre l’odorat aux patients qui en ont été privés par le Covid-19: c’est l’ambition du CHRU de Nancy-Brabois qui vient de lancer une étude sur un nouveau protocole de rééducation olfactive, suite aux conséquences du coronavirus.

L’idée du Dr Duc Trung Nguyen, praticien hospitalier au service ORL, est d’ajouter quatre parfums (lavande, fraise, épicéa, herbe coupée) aux quatre odeurs de bases (clou de girofle, eucalyptus, rose, citron) déjà utilisées par des médecins allemands et belges pour cette rééducation.

« Avec quatre nouveaux parfums, il s’agit d’accélérer la rééducation et de voir, aussi, si c’est plus efficace », explique le Dr Nguyen qui relève que cette « rééducation olfactive est peu pratiquée en France ».

La perte de l’odorat, l’anosmie, « concerne deux tiers des personnes atteintes de Covid en Europe mais seulement 4,8% en Chine », précise-t-il, sans en connaître la raison.

« Peut-être que la question n’est pas posée en Chine. Peut-être que le virus n’est pas tout à fait le même. Peut-être que c’est génétique entre une personne de type caucasien et une personne asiatique », s’interroge-t-il.

L’étude va concerner 80 patients et s’appuiera sur un nouveau kit élaboré par un laboratoire de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine).

Toutes les odeurs fortement concentrées sont enfermées dans des petits tubes et doivent être respirées dix secondes deux fois par jour, avec 30 secondes d’intervalle entre chaque tube, pendant huit mois. Un réexamen par le médecin est prévu à mi-parcours.

« Handicap professionnel »

Selon les derniers chiffres à disposition des chercheurs, « une grande partie » des personnes ayant perdu leur odorat le retrouvent dans un délai « plus ou moins long », assure le spécialiste.

Cependant, pour certains patients, la conséquence de l’infection virale, une inflammation de leurs voies respiratoires, a détruit tout ou partie de leurs cellules olfactives et des mois après la fin de la maladie, l’odorat reste affecté.

« J’aime cuisiner. Je cuisine au goût. Alors, je suis obligé de demander à mon mari ou à mon fils », explique Martine Bailly, 44 ans, cadre SNCF, qui a senti son « odorat revenir mais en partie déformé » après plus de deux mois de privation. « Les vins rouges ont aussi tous le même goût », déplore-t-elle.

L’anosmie et la dysgueusie (perte des saveurs) ont été les seuls symptômes du Covid-19 pour lequel Morgane Delpon, 25 ans, infirmière en réanimation nancéienne, a été testée positive en août.

Mais trois mois plus tard, le manque d’odorat s’est transformé en « handicap professionnel ». Car « le nez lui sert d’alerte » autant que les yeux ou les oreilles devant un malade. « Je dois m’appuyer sur mes collègues », constate-t-elle.

Les deux femmes comptent donc beaucoup sur cette rééducation pour retrouver « le plaisir de manger » ou travailler normalement. « Ça va s’améliorer mais on risque de ne jamais retrouver son nez d’avant », tempère le médecin.

Les odeurs de la vie

L’objectif de « la rééducation olfactive, c’est de renouveler les cellules olfactives » qui ont été « brutalement » endommagées par l’infection, reprend le Dr Nguyen.

L’évaluation de la perte de l’odorat est précise. Le patient sent des sortes de stylos, numérotés de 1, effluve la plus forte, à 16 et dit s’il sent ou non une odeur. Il n’a pas besoin de l’identifier.

Selon un cahier consulté par l’AFP avec les différents chiffres des personnes qui participent à l’étude, leur odorat reste très faible, autour de 1 à 2 (sur 16). Et parfois zéro, pour certains.

Le deuxième exercice consiste à identifier les effluences. Il y a toujours les mêmes sortes de stylos à sentir. Mais cette fois une aide est apportée avec quatre propositions écrites. Exemples: « orange, fraise, mure, ananas »; « cigarette, vin, café, fumée »; « pain, fromage, poisson, jambon ». Il y a seize catégories.

Enfin, l’ex-malade du Covid-19 est ausculté. Le Dr Nguyen vérifie si la perte de l’odorat n’a pas d’autre cause que le Covid. A ce titre, il introduit une caméra dans le nez à la recherche d’un éventuel polype ou d’une rhinite allergique…

Ensuite, il faut faire preuve de beaucoup de patience et suivre la longue rééducation. Avec l’espoir de pouvoir respirer à nouveau totalement les odeurs de la vie.

AFP

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