Autoroutes de l’héroïne en Belgique : «Leur but est d’éviter de rouler au Grand-Duché»

Des trafics d’héroïne incessants entre le Nord-Est de la France et Maastricht. Mais le CPS de la police de la route veille au grain.

La Ville de Verdun, les villages environnants, sont des zones de paupérisation terrible, avec des taux de 30% de chômage, une jeunesse sans réel espoir ni perspective. Alors on fume, on boit, pour oublier, et surtout on se livre à des trafics interdits de stupéfiants qui ont pris des proportions hallucinantes. Dans un article publié le 30 octobre dernier, le journal Le Monde a consacré un reportage à Verdun et au département de la Meuse.

Notre consœur française, qui a enquêté sur le terrain, écrit: « L’héroïne se retrouve dans tous les replis de la Meuse. » « On retrouve à l’hôpital psychiatrique de Verdun 5 fois plus de patients, qu’ailleurs en France, traités suite à la consommation de diverses drogues » .

Des «mules», le nouveau job facile

Et notre province de Luxembourg par rapport à tout cela ? Nous ne regardons pas depuis notre balcon cette situation chez nos voisins français. Pourquoi? Parce que sans cesse, tous les jours, les Français de la Meuse, mais aussi ceux du 54 de Longwy, traversent la frontière pour aller s’acheminer en drogues dures à Maastricht aux Pays-Bas.

On assiste aussi de plus en plus à un autre phénomène. Des dealers français payent les services de personnes au chômage et désœuvrés, des « mules », qui servent de transporteurs (« drug runners ») et acheminent la drogue moyennant une petite gratification dont ils bénéficieront au terme de leur voyage.

Le CPS de la police de la route, terriblement efficace

Il y a quelques jours, deux détenus français de la région de Verdun comparaissaient devant le tribunal correctionnel de Neufchâteau pour trafic de stupéfiants. Ils s’étaient fait intercepter avec 448 gr d’héroïne sur eux le 21 août dernier sur le parking de l’E 411 à Léglise. Défendus par Mer Dorothée Kauten et Loic Richard, un d’entre eux a expliqué qu’ils revenaient des Pays-Bas pour se faire un peu d’argent. « Vous avez bien fait de m’arrêter. Au moins à la prison d’Arlon, je suis soigné. Je ne consomme plus ni drogue ni alcool ».

Ces Français avaient été repérés par le service CPS (Cellule Patrouille Surveillance) de la WPR Luxembourg, la police de la route. Depuis 2018, ce service, formé de 5 à 6 policiers, travaille de façon remarquable. Ils n’opèrent plus des contrôles de façon sporadique ni au hasard. Non, ils agissent de façon de plus en plus méthodique. Ils ont le flair pour repérer la technique en mouvement d’une voiture ouvreuse avant un 2e véhicule qui transporte la drogue, ou même parfois un 3e véhicule de délinquant qui ferme le convoi.

« Notre service CPS bénéficie aussi de caméras ANPR qui sont d’une redoutable efficacité pour repérer des véhicules suspects », explique le commissaire Dominique Cornet, patron de la WPR dans la province.

Des dépôts de drogues dures à Aubange, Messancy, le long de la frontière grand-ducale

«  Ils ne se contentent plus de faire les allers-retours jusqu’à Maastricht et de prendre le risque de se faire choper par la police de la route le long de l’E 411 ou de l’E 25. De plus en plus, ils payent un homme, un « drug runner », qui va chercher la marchandise aux Pays-Bas et va la livrer dans des points de succursale le long de la frontière grand-ducale, à Athus, Aubange, Messancy principalement », dit ce policier de la PJF qui préfère garder l’anonymat. « Le but pour eux est d’éviter de rouler au Grand-Duché car ils savent qu’en cas d’arrestation, les tribunaux au Grand-Duché sont plus répressifs qu’en Belgique. »

L’héroïne est de moins en moins chère et les filières s’installent sur toute la zone des 3 Frontières. Des kilos de drogues dures y descendent chaque semaine. «  De nombreuses ventes se font aussi sur les parkings proches des autoroutes, là où les auteurs peuvent prendre la fuite plus vite », dit encore ce policier. Il vise les parkings du Quick Weyler, de l’Ikea et du Mc Do le long de l’E 411 ou celui d’Auchan au point frontière près d’Aubange. Et il ajoute: «  La rue de Rodange à Athus est devenue quasi une zone de non-droit. C’est rempli de trafiquants. »

En Gaume aussi, dépôts de… pains de drogue

Remarquez, l’herbe – sans mauvais jeu de mots – n’est pas plus verte dans le pré du voisin. En Gaume, les policiers ont constaté que de plus en plus de trafiquants français quittent l’E 411 pour éviter les contrôles de la police de la route (WPR) et redescendre par de petites routes jusqu’en France. «  Et chez nous comme à Aubange et Athus, on doit maintenant faire face à des dépôts et points de vente de drogues dures à divers endroits en Gaume », témoigne ce policier de la zone de Gaume.

D. Z. (L’Avenir)