Soumise aux pressions contre la maltraitance animale, la filière agroalimentaire régionale s’adapte, tout en soulignant la complexité des enjeux. Notamment du côté des abatteurs.
Des images-chocs d’animaux martyrisés. Des stars qui montent au créneau. Couplées à la viralité des réseaux sociaux, les vidéos sur les dérives dans certains abattoirs accentuent la pression sur l’agro-industrie. La question du bien-être animal s’invite au cœur du débat sur la loi agriculture et alimentation. Face aux nouvelles exigences, les acteurs régionaux font valoir la complexité des enjeux. Notamment les abatteurs, dont beaucoup n’ont pas attendu la polémique soulevée par le refus du gouvernement de rendre obligatoire la vidéosurveillance pour en équiper leur structure.
« Notre système de contrôle couvre la partie déchargement ainsi que les couloirs d’amenée » confirme Jean-François Hein, directeur de l’abattoir de Sarrebourg. Avec une production de 6 000 tonnes par an de viande découpées, le site emploie vingt-neuf salariés, dont huit disposent de la certification les autorisant à suivre les animaux de la réception à la saignée. Le déploiement de la vidéosurveillance fait d’ailleurs l’objet d’une concertation : « La présence de caméras rassure les salariés, nous allons prochainement en installer d’autres face aux box de piégeage pour l’étourdissement et la saignée. » Les images étant à usage interne et pour les opérations de contrôle.
Des inspecteurs dans chaque établissement
Pour sa part, la Fédération nationale des exploitants d’abattoirs prestataires s’oppose à toute loi contraignante. Des réticences validées par l’État, comme le confirme Peggy Rasquin, directrice de la DDPP de Moselle (Direction départementale de la protection des animaux) : « Toute la difficulté est de faire parler les images. » Pour l’intéressée, les contrôles actuels suffisent : « Nous disposons en permanence d’inspecteurs dans chaque établissement, par ailleurs soumis à la présence de vétérinaires. » L’abattage rituel (casher et halal) fait l’objet de dérogations. Mais sa prochaine interdiction en Flandre en accélère la délocalisation. Laquelle représente déjà 40 % des tâches à Sarrebourg.
Le bien-être animal passe-t-il par un retour aux abattoirs de proximité ? Telle est la conviction de nombre d’éleveurs. En charge de ce dossier à la FDSEA, Fabrice Couturier prend exemple sur le voisin allemand : « Un artisan qui développe à Sarrebruck une activité d’abattage, de boucher et de vente m’a convaincu du bien-fondé de la méthode, pour les animaux comme pour le consommateur ». Jean-Jacques Bailly, son homologue haut-marnais de la Confédération paysanne Grand Est, renchérit : « Les éleveurs veulent des outils de proximité. Eux aussi supportent mal cette pression de l’agro-industrie obnubilée par la productivité. »