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Après la tempête du Covid-19 les hôpitaux publics du Grand Est sous la menace des « gestionnaires »


les soignants du Grand Est, l'une des régions les plus touchées par le Covid-19, se disent sans illusions quant à l'avenir des structures hospitalières publiques. (Photo / AFP)

« C’est l’économie qui va diriger l’hôpital » : après avoir eu le sentiment de retrouver « du sens » à leur travail pendant la crise du coronavirus, des soignants du Grand Est redoutent maintenant le retour en force des « gestionnaires », qu’ils accusent de « détruire » l’hôpital public.

C’était le 25 mars à l’hôpital de Mulhouse : Emmanuel Macron, en visite dans cet établissement alsacien aux avant-postes de l’épidémie, promettait pour l’après-crise un « plan massif d’investissement et de revalorisation » des carrières pour l’hôpital. Une annonce alors accueillie avec scepticisme par des soignants qui sortaient de longs de mois de grève pour protester contre des années de coupes budgétaires dans les hôpitaux. La mobilisation avait poussé le gouvernement à annoncer plusieurs mesures, toutes jugées insuffisantes par les blouses blanches.

Un mois et demi plus tard, alors que les détails de ce plan n’ont pas été dévoilés et que l’épidémie amorce sa lente décrue, les soignants du Grand Est, l’une des régions les plus touchées par le Covid-19, se disent sans illusions. Les moyens réclamés depuis des années pour les hôpitaux « ne vont pas être débloqués » après la crise, « on va retourner sur une rigueur budgétaire exacerbée parce que l’économie va mettre quelques années à se remettre », prédit Eric Thibaud, chef du service des urgences à l’hôpital de Colmar.

« Ca fait longtemps qu’on a détruit l’hôpital public »

Avant l’épidémie, beaucoup d’agents souhaitaient quitter l’hôpital de Mulhouse, rappelle une source syndicale, qui se lamente : « Ca fait longtemps qu’on a détruit l’hôpital public, il faut une crise sanitaire pour réaliser son importance ». Il faut revaloriser les salaires « sur le long terme » et, surtout, mettre fin aux « suppressions de lits et de postes », récurrentes dans les hôpitaux publics, à qui on demande toujours plus d’économies, estime Alexis Lienhardt, infirmier aux urgences et en réanimation au CHU de Strasbourg.

La virulence de l’épidémie, qui a mis à rude épreuve les structures hospitalières, « a démontré les limites du (…) système de santé tel qu’il est voulu depuis une quinzaine d’années », avec des économies « qui se chiffrent par milliards », constate aussi Yannick Gottwalles, chef du Pôle urgences à Colmar. Mais la crise a aussi permis de « retrouver du sens dans le soin » et de reprendre provisoirement la main sur le fonctionnement de l’hôpital, notamment en pilotant dans l’urgence les restructurations des services pour accueillir les patients. « Les médecins avaient vraiment été écartés des décisions, là ils ont repris un peu le dessus », analyse Sophie Perrin-Phan-Dinh, infirmière et représentante CGT au CHU de Nancy. Mais une fois la crise passée, « je crains qu’on ne mette des sparadraps sur des problématiques gravissimes », s’inquiète le Dr Gottwalles.

Les Agences régionales de santé (ARS) concentrent les critiques

Lorsque les soignants « héros » seront oubliés, « j’ai peur que les gestionnaires ne reprennent le flambeau et continuent leurs mesures de restrictions budgétaires », abonde Alexis Lienhardt. Symbole de ces « gestionnaires » tant décriés, les Agences régionales de santé (ARS) – organismes publics chargés d’appliquer en régions les politiques sanitaires – concentrent les critiques. Dans le Grand Est, l’ARS a fait les gros titres en avril lorsque son directeur général Christophe Lannelongue a déclaré, en pleine crise sanitaire, qu’il ne voyait pas de raison de remettre en cause la restructuration en cours à l’hôpital de Nancy où 598 emplois et 174 lits doivent être supprimés. Il a été limogé à la suite de ces propos et remplacé par Marie-Ange Desailly-Chanson.

« On ne peut pas parler d’économies dans un métier pareil! », s’indigne, sous couvert d’anonymat, un interne de l’hôpital de Mulhouse, pour qui il faut accepter que l’hôpital ne soit « pas rentable ». « La vision de l’ARS, c’est qu’ils sont là pour vérifier comment on fait notre travail » alors que son rôle devrait être « d’accompagner » les hôpitaux et « faire en sorte que ça fonctionne », explique une source hospitalière, qui déplore cette vision « purement financière ». « Toutes nos forces sont concentrées à la lutte contre l’épidémie », répond l’ARS, rappelant le tweet du ministre des Solidarités et de la Santé Olivier Véran, qui, après le tollé déclenché par les propos de Lannelongue, avait indiqué que « tous les plans de réorganisation sont évidemment suspendus à la grande consultation » prévue après la crise.

 

LQ / AFP

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