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Un paysan et son tracteur

Un paysan et son tracteur : l’image même de l’agriculture, non? On imagine tous ce paysan parcourant librement ses terres, au volant de ce tracteur qu’il connaît par cœur. Y compris sous le capot. Car un paysan qui se respecte a les pieds sur terre, mais aussi les mains dans le cambouis. Au pire, si la panne le dépasse, il ira trouver le mécano du coin.

Imaginez maintenant qu’après avoir perdu le droit de cultiver ce qu’il veut, d’exploiter ses propres semences, de rester en bonne santé loin des pesticides, de vivre sans subventions et sans s’endetter sur des décennies, l’agriculteur voit aussi lui échapper son tracteur.

C’est ce qui se passe aux États-Unis. Au pays de la malbouffe, les tracteurs sont devenus des cabines high-tech au confort de berline. En contrepartie, les ouvriers de l’industrie agricole (ne les appelons plus paysans), perdent la main sur leur outil de travail. Un récent reportage paru dans Le Monde dévoile par exemple comment Kyle, un agriculteur du Nebraska pourtant très doué en mécanique, n’arrive plus à réparer lui-même ses tracteurs. Parce que les nouvelles générations sont bourrées de boîtiers informatiques, de GPS et de capteurs pour tracer les sillons, mesurer semis, épandages, pulvérisations, etc.

Pratique? Bien sûr. Sauf que ces équipements servent aussi à empêcher les agriculteurs de réparer eux-mêmes leurs engins. Moteurs, boîte de vitesse, hydraulique… Tous les organes vitaux de l’engin sont verrouillés. Leur réparation passe obligatoirement par des concessionnaires agréés en situation de monopole. Fini le système D, les garages indépendants, et bonjour la dépendance, les prix élevés. Sans oublier que ces ordinateurs sont aussi des espions : toutes les données collectées sont revendues aux fabricants de pesticides et d’engrais.

De quoi achever ce qui reste de petits agriculteurs qui ne peuvent suivre cette marche forcée vers le «progrès».

Et si cela peut paraître de la science-fiction vu d’ici, souvenons-nous que l’agriculture mondiale se calque toujours plus sur celle de l’Oncle Sam. Ce n’est pas au Grand-Duché, où l’agriculture durable peine à dépasser les 4 %, que l’on trouvera un contre-exemple.

Romain Van Dyck

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