C’était un scénario complètement fou, et pourtant il s’est réalisé : le pétrole est redevenu bon marché. Cent cinq dollars en juin 2014, 60 dollars un an après, 35 dollars lundi : les barils débordent, et les prix dégringolent.
En cause, le ralentissement de l’économie chinoise, et surtout, la guerre de marché entre l’Amérique et les pays du Golfe. Ces derniers ont vu d’un œil noir l’apparition des pétroles non conventionnels (schiste et sables bitumineux) en Amérique du Nord. Leur riposte a été très efficace : ne rien faire. Plutôt que de fermer les vannes pour faire grimper les prix, ils ont laissé l’or noir couler à flot, et le marché a bu la tasse. Pour ces monarchies pétrolières, cela représente certes un manque à gagner, mais leurs coûts d’extraction demeurent très bas, et leurs montagnes de pétrodollars très hautes. Par contre, cela porte un rude coup aux États-Unis dont la complexe extraction du pétrole de schiste, à moins de 40 dollars le baril, se transforme en gouffre financier.
Mais tout cela intéresse très peu l’automobiliste qui, à la station-service, se réjouit de ce cadeau tombé du ciel. Alerte, crie pourtant l’eurodéputé luxembourgeois Claude Turmes, lors d’une récente interview au Quotidien. Pour lui, «il est très contreproductif d’avoir un niveau si bas du pétrole», car cela va freiner la modernisation de nos sociétés.
Il fait en effet partie des voix – rares, mais courageuses – qui appellent à une hausse des taxes sur le pétrole pour qu’il redevienne plus cher et moins attractif. À condition, bien sûr, que l’on réinjecte le produit de ces taxes dans la modernisation des infrastructures, l’innovation, l’efficacité énergétique, bref, «la transition vers une économie plus verte», plaide-t-il. Pas sûr qu’il soit entendu.
Parce que ce discours est par essence impopulaire : entre d’obscurs investissements collectifs et un plein moins cher, le choix est vite fait. Ensuite, parce que cette politique doit se faire – au minimum – à l’échelle de la Grande Région. Car si le Luxembourg est le seul pays à relever ses taxes sur les carburants, il perdra un sérieux atout par rapport à ses voisins. Et on imagine mal le gouvernement tirer un trait sur les centaines de millions d’euros que rapporte le tourisme à la pompe.
Romain Van Dyck (rvandyck@lequotidien.lu)