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Rien à cacher

Vous êtes à un passage piéton au boulevard Royal, à Luxembourg. Vous en avez marre d’attendre le petit bonhomme vert. Cela tombe bien, un passage se libère. Vous traversez donc rapidement, au rouge. Mauvaise idée : votre visage s’affiche aussitôt sur un panneau géant dans la rue, avec l’amende correspondant à l’infraction.

Et tant que vous ne la payez pas, vous vous taperez publiquement l’affiche, au sens propre et figuré. Impensable? Au Luxembourg, peut-être. Mais cette justice 2.0 existe déjà ailleurs, notamment en Chine, dans des villes comme Shenzhen ou Shanghai.

Utiliser l’humiliation publique pour décourager les auteurs de petites et grosses incivilités : l’idée peut paraître séduisante. Mais comme souvent, l’enfer est pavé de bonnes intentions. En Chine, ces sanctions ne sont possibles que parce que la vidéosurveillance a atteint un niveau proprement effrayant.

En témoigne une expérience réalisée récemment par la BBC à Guiyang, «petite» ville de trois millions d’habitants où les citoyens sont constamment sous l’œil des caméras. Le correspondant de la BBC en Chine a voulu vérifier combien de temps il pouvait échapper à la vidéosurveillance dans cette ville.

Avec la complicité de la police, qui a voulu montrer par là l’efficacité de son dispositif, il s’est fait enregistrer dans la base de données de la ville, où les photos de tous les habitants sont stockées. Puis il est parti marcher en ville en espérant ne pas être repéré.

Il n’a tenu que sept minutes avant d’être encerclé par les policiers. Se déplacer en voiture n’aurait rien changé : à chaque feu rouge, des caméras à reconnaissance faciale scannent les visages des automobilistes.

Entre la surveillance et l’espionnage de masse, la frontière est parfois mince. Au Grand-Duché, l’Association luxembourgeoise de criminologie s’est déjà inquiétée de la prolifération de la vidéosurveillance.

Selon elle, «ses effets néfastes sur la société (restriction des libertés individuelles, préjugés sociaux et ethniques dans la surveillance, profilage des citoyens) priment sur les supposés apports de cette technologie». L’honnête citoyen clamera sûrement n’avoir rien à cacher. Mais peut-être se trompe-t-il…

Romain Van Dyck

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