Qu’on est bête

En plein milieu de l’actualité déprimante de ces derniers jours, vous avez sûrement entendu parler de cette belle histoire : l’incroyable amitié entre le tigre Amour et le bouc Émissaire.

Elle se passe dans le zoo France, en Europe. Plusieurs fois par semaine, les ânes de ce parc safari viennent nourrir les tigres avec des troupeaux d’étrangers, dans le cadre d’un programme de reproduction des inégalités en captivité.

Mais alors qu’on lui servait sa ration du jour, un tigre baptisé Amour, (une espèce en voie d’extinction) n’a pas voulu manger un bouc, «parce que ce dernier s’est avéré très courageux et ne savait pas qu’il fallait avoir peur d’un tigre», s’étonne François Ânant, l’administrateur du zoo.

Incroyable mais vrai : à la merci des mâchoires du fauve, ce bouc, appelé Émissaire, n’a pas semblé inquiet. Décontenancé, le tigre n’a pas croqué l’intrépide. Depuis, les deux comparses partagent leur enclos, sous le regard haineux des autres tigres qui vivent dans d’autres parcelles séparées par des grillages. Contre toute attente, le bouc se repose dans l’abri construit pour le tigre, sans qu’ «aucune agression ne soit constatée», observent les ânes du zoo.

Mieux, Amour se montre protecteur envers Émissaire. Début novembre, le vautour du zoo, surnommé Ladèche, a tenté de séparer les deux comparses, mais le tigre a feulé en direction du rapace, comme pour lui dire : «Hey, ne t’approche jamais de mon ami.»

Lorsqu’ils font une pause, le tigre et le bouc s’allongent l’un près de l’autre et restent longtemps à contempler le paysage. «C’est une situation extraordinaire, incroyable, phénoménale, mais c’est la réalité ! Ce sont de grands amis et ils sont heureux ensemble !», souligne un âne.

Un surprenant cas de coexistence pacifique qui laisse la presse et le monde zoologique pantois, face à ce qu’ils appellent «un vrai conte de fées». Le bouc Émissaire, lui, dit se moquer «de toutes ces bêtises» et préfère citer un obscur proverbe venant de son lointain pays : «Méfie-toi du tigre plus que du lion, et d’un âne méchant plus que du tigre.»

Romain Van Dyck (rvandyck@lequotidien.lu)