Ils avancent casqués comme des motards, le visage dissimulé derrière un masque à gaz et des lunettes protectrices. C’est l’uniforme des journalistes qui couvrent les manifestations dont on sait qu’elles tourneront indubitablement au carnage. Ils ne s’équipent plus seulement d’un bloc-notes et d’un stylo, d’un micro et d’une caméra ou d’un appareil photo, ils font leur paquetage et partent pour le front.
Avant Hambourg ce week-end, il y a eu Paris avec les rassemblements contre la loi Travail l’année dernière. Et bien d’autres encore, à travers toute l’Europe. Alors bien sûr, les médias rappellent que sur les 100 000 manifestants à Hambourg, seule une petite partie appartenait à la catégorie des casseurs. Environ 7 000 quand même identifiés comme formant le Black Bloc, aux origines anarchistes dans le Berlin-Ouest des années 80 et qui s’invitent depuis à toutes les grandes manifestations anticapitalistes.
Fallait-il interdire les manifestations à Hambourg en marge du G20, comme Paris l’a fait pour la grande marche lors de la COP21 pour des raisons de sécurité ? La solution aurait pu être envisagée, mais alors le droit de manifester se prenait une sacrée claque. «Manifester est un droit pas une menace», rappelait Amnesty International en mai dernier, inquiète après avoir enquêté pendant un an sur le respect de ce droit fondamental, pas mal bafoué au nom de l’état d’urgence.
Par là même, c’est bien ce droit de manifester que l’on a modifié, plus que n’importe quel autre. Personne n’a interdit à quiconque de manifester sa joie sinon le 14-Juillet de Nice n’aurait pas été si dramatique. Non, c’est la colère que l’on doit contenir entre quatre murs. À cause des débordements dans la rue.
Si, comme à Hambourg, on veut éviter la venue de plusieurs milliers d’anarcho-guérilleros entraînés à faire de la casse, il ne faut pas encourager les 90 000 autres à venir crier à l’injustice. Évidemment, ça paraît simple et simpliste.
Mais ne nous trompons pas de menace. Au lieu d’élaborer des stratégies de maintien de l’ordre, écoutons ceux qui veulent changer le désordre du monde. Et le G20 n’est rien d’autre, à leurs yeux, qu’un concentré d’abus en tous genres, qui sert à engraisser les riches et à affaiblir les pauvres.
Qui sème la misère récolte la colère, dit le slogan populaire. Et tant que ça ne changera pas, il y aura des Hambourg et des Paris.
Geneviève Montaigu