Interrogé sur la gratuité annoncée des transports, le président du LCGB, Patrick Dury, s’exclamait en décembre : «C’est un peu trop social.» Venant d’un leader syndical, la déclaration peut étonner. Mais reflète sans doute l’efficacité de la communication d’un gouvernement qui donne parfois l’illusion qu’il va raser gratis. Jours de congé supplémentaires, hausse de 100euros du salaire minimum, baisse de la TVA sur des produits de consommation courante, investissements significatifs dans les services publics, hausse des allocations, baisse de la pression fiscale pour les familles… Face à cet inventaire à la Prévert, les syndicats ont-ils encore quelque chose à revendiquer alors qu’ont lieu aujourd’hui les élections des délégués du personnel dans les entreprises?
Le Luxembourg se caractérise par sa superbe prospérité, assurant à sa population le troisième meilleur PIB par habitant au monde (109 000 dollars). La moyenne est enviable mais elle demeure une moyenne et ne doit pas faire oublier qu’au Luxembourg aussi, la richesse est de moins en moins équitablement redistribuée. D’année en année, l’écart se creuse. Comme ailleurs dans l’UE, quelque 15% de la population vit au niveau ou sous le seuil de la pauvreté. Les prix des logements sont devenus à ce point exorbitants que plus d’un quart de la population a désormais du mal à joindre les deux bouts. La situation des familles monoparentales est bien plus difficile au Luxembourg qu’ailleurs en Europe… De quoi établir un autre inventaire.
«Nous voulons une société qui réduit les inégalités sociales et qui répartit mieux les richesses produites», revendique le président de l’OGBL, André Roeltgen. Les syndicats ne sont sans doute pas le seul antidote à ce mal, mais ils sont un remède efficace pour peu que les salariés leur donnent assez de poids pour peser dans le rapport de force qui caractérise la relation entre salariés et patrons. Les inégalités sociales sont le poison qui a enfanté le Brexit, Trump ou Salvini. Voter aux élections sociales, c’est donner du poids aux syndicats en reconnaissant leur rôle indispensable au bon fonctionnement de la démocratie.
Fabien Grasser