Mardi dernier, la nouvelle législation antitabac, qui est en grande partie le fruit de la transposition d’une directive européenne, est entrée en vigueur au Luxembourg. Et dans ce domaine, la position du Grand-Duché est forcément teintée de schizophrénie au vu de la manne financière que représentent les accises sur le tabac vendu à 80-85 % aux étrangers. Quoi de plus normal d’ailleurs lorsque l’on sait que le tabac tue chaque année 1 000 personnes au Luxembourg et coûte 130 millions d’euros aux contribuables mais que dans le même temps, les accises rapportent des centaines de millions d’euros. L’État luxembourgeois, et donc les résidents, sont au final gagnants si l’on tient uniquement compte de l’aspect comptable.
Difficile dans ce contexte de prôner une augmentation radicale du prix du tabac malgré les protestations des pays voisins. Il est finalement assez compréhensible que l’État ne veuille pas renoncer à la poule aux œufs d’or. Et les leçons de morale qui pourraient venir par exemple de France relèvent d’une forme d’hypocrisie venant de la part d’un pays qui vend à tour de bras dans le monde entier une autre drogue légale et nocive, à savoir l’alcool.
Sur le front intérieur, il est ainsi délicat de lutter contre le tabagisme des jeunes – particulièrement important au Luxembourg avec 27 % de fumeurs chez les 16-34 ans – en étant privé du principal outil pour y faire face, à savoir l’augmentation du prix. Et finalement, toutes les autres mesures adoptées mardi ou bien avant, comme l’interdiction de fumer dans les bars et restaurants, relèvent plus du bon sens que d’une véritable politique de santé publique et s’attaque essentiellement au tabagisme passif. A-t-on vraiment besoin d’une loi d’interdiction de fumer en voiture en présence d’enfants de moins de 12 ans pour reporter par soi-même son petit plaisir? C’est surtout le changement de mentalités qui fait progresser la lutte contre le tabac. Pour qui se souvient des photos de famille des années 1970 et 1980 où tout le monde fume dans le salon au milieu de la marmaille, le contraste avec la génération de jeunes parents actuelle est saisissant.
Nicolas Klein (nklein@lequotidien.lu)