Le temps, c’est de l’argent

« Bonjour docteur, j’ai mal à la gorge.

– Ouvrez la bouche… Ah oui, c’est enflammé. Vous avez une bonne angine. Je vous donne des antibiotiques. Votre carte de sécurité sociale, s’il vous plaît.

– Ah euh, O. K.»

«Bonjour pharmacien, j’ai une ordonnance… mais attendez, j’ai un doute, les antibiotiques pour les angines, c’est forcément automatique ? Il n’y a pas une histoire d’angines qui n’en nécessitent pas ? D’ailleurs, les médicaments qu’il m’a prescrits, c’est pour quoi ?

– Bah, le Maxilase Maux de gorge, c’est un médoc pas très virulent, ça va juste apaiser un peu. Le Dafalgan, c’est en cas de douleurs et fièvre. Vous n’en avez pas ? Alors c’est inutile. Et l’Amoxicilline, c’est un antibiotique, de la famille de la pénicilline. Il sert à lutter contre les angines d’origine bactérienne. Mais si votre angine est virale, comme dans près de 90% des cas, les antibios ne serviront à rien. Mais des médecins préfèrent souvent en prescrire quand même, par précaution, parce que les patients les réclament, et parce que dans un petit nombre de cas l’angine peut provoquer des complications à vie.

– O. K., donc je vais prendre l’antibiotique. Mais il n’y a pas moyen de diagnostiquer les angines, pour savoir si elles sont virales ou non ?

– Mais si, c’est ça le pire ! Il existe un test qui dure 15 minutes. Certains médecins commencent à l’utiliser, mais c’est rare. Un quart d’heure, c’est trop long pour certains médecins. Le temps, c’est de l’argent», sourit le pharmacien…

Cette conversation, bien réelle, vient étayer les propos du Dr Jean-Claude Schmit, du ministère de la Santé, qui déjà l’an passé nous parlait d’ «urgence» à cesser cette prescription inconsidérée d’antibiotiques. Car cela ne fait qu’alimenter l’antibiorésistance, donc de nous rapprocher de l’issue fatale où ces médicaments seront inefficaces, avec tous les ravages que l’on peut imaginer. L’Organisation mondiale de la santé n’en dit pas moins. Pour elle, il s’agit d’une des plus grandes menaces pesant sur la médecine moderne.

Le temps, c’est de l’argent, certes. Mais à trop vouloir ne pas le prendre, cela risque de nous coûter bien plus cher…

Romain Van Dyck