Le football mondial a encore quatre ans à tirer avant d’en finir, au Qatar, en 2022, avec les scandales des attributions des dernières Coupes du monde. Mais cela n’a pas empêché, mercredi, Gianni Infantino, son patron, de serrer avec délectation la main de Vladimir Poutine, à la veille du Mondial. Peu importe si ce soir, au moment du match inaugural, le palpitant Russie – Arabie saoudite se jouera devant une tribune officielle vidée de la plupart des grands dirigeants de la planète, soucieux de se démarquer des crimes supposés perpétrés en Syrie, avec l’homme fort du Kremlin en appui logistique de Bachar al-Assad. La FIFA, elle, ne se démarque surtout pas quand il est question de business.
On pourrait s’en moquer puisqu’un mois de fête complet nous attend et que le Portugal – Espagne de demain, dans le groupe B, est déjà de nature à nous faire oublier les compromissions de l’instance dirigeante du ballon rond. Parce qu’on peut avoir une éthique mais aussi l’amour du jeu, non ? Qui penserait encore attaques chimiques ou bombardements de civils quand s’annonce un duel Cristiano Ronaldo – Sergio Ramos ?
Puisque la réponse est (malheureusement) très peu de gens, la FIFA, donc, aurait pu faire gentiment profil bas et attendre que le tournoi finisse, comme toujours, par lisser son image. Comme, en général, ça ne manque jamais, après cette orgie de football, on ne peut que l’aimer.
Sauf que mercredi, il y avait un petit caillou dans la chaussure de Gianni Infantino : la candidature marocaine à l’organisation du Mondial-2026. Ces dernières semaines, beaucoup de gens à la FIFA ont tenté de la discréditer, voire de la faire capoter, emboîtant le pas à Donald Trump, le président américain, menaçant – par Twitter cela va de soi – les pays susceptibles d’apporter leur voix au Maroc que la Maison-Blanche saurait s’en souvenir au cas où sa candidature commune avec le Canada et le Mexique était retoquée.
Ce n’était pas franchement nécessaire car le collège électoral a, bien évidemment, choisi l’Amérique du Nord. Forcément : cette dernière a promis… des bénéfices record. Et voilà perdue une occasion manifeste de prouver que le football ne tourne pas qu’autour de cette question dérangeante de l’argent et du profit, et que les organisations à taille humaine comme l’était la candidature du Maroc pouvaient incarner une réorientation majuscule de la politique de la FIFA.
Mais de quoi rêvait-on, après tout ? Que l’éviction de Blatter avait conduit des Bisounours à la tête de l’instance dirigeante? En fait, Infantino a un peu fait comme si, hier, à Moscou : «Aujourd’hui, la FIFA est une organisation vivante, pleine de joie, de passion, avec une vision pour un avenir.» Avec un Mondial à 48 clubs, la vidéo pour être sûr que les grands ne verront pas leurs modèles économiques ébranlés par une vulgaire erreur d’arbitrage et, très bientôt à l’étude, un Mondial des clubs, qui pourrait rapporter 9 milliards d’euros. Non, la FIFA ne changera pas, mais on s’en moque parce que ce jeudi, à 17h, on n’y pensera déjà plus…
Julien Mollereau