Il y a 20 ans, il était quasiment impossible de traverser le sous-sol du centre Aldringen sans assister à un deal ou se faire proposer cannabis et haschich. Un de mes premiers reportages en tant que journaliste consistait en une descente de police en plein après-midi. Depuis le commissariat Hamilius, nous avions observé les dealers déguerpir en courant des escaliers et autres rampes d’accès vers les boulevards et avenues environnants. Aujourd’hui, la gare routière n’existe plus, mais la vente et la consommation de drogues sont toujours bien présentes dans la capitale et au-delà. Les vendeurs, des jeunes précaires, sortes d’esclaves modernes interchangeables qui vendent du shit à défaut de faux sacs monogrammés en échange d’une chambre insalubre, ont trouvé de nouveaux repaires.
Le problème s’est déplacé, mais continue d’exister malgré les tentatives de la police et des autorités de l’éliminer. La drogue et ses effets délétères s’insinuent dans les recoins sombres et les entrées d’immeubles du quartier Gare dont les habitants crient leur ras-le-bol. La légalisation du cannabis en préparation servira peut-être à en juguler le trafic, mais les seringues et petits paquets blancs continueront de s’échanger discrètement et l’insécurité de régner sur les trottoirs. Tant qu’il y aura de la demande, l’offre continuera de suivre. L’affaire est trop juteuse. Sur le terrain, de bons samaritains s’échinent à sauver des vies. À force d’efforts, ils y parviennent. Les chiffres encourageants dévoilés lundi à l’occasion de la présentation du cinquième plan d’action national le prouvent. La tâche est ardue et se joue à plusieurs niveaux. L’ennemi est aussi séduisant que dangereux et puissant. Éviter certains quartiers «mal famés», vivre à la campagne ou ne jamais s’être vu proposer un joint ne permet pas de croire que la drogue n’existe pas. Des effluves de marijuana dans un parc nous rappellent à l’ordre. Le problème est global. S’intéresser à la drogue et à son œuvre – attention, sans y goûter – aide à la tenir à distance. La drogue, on ne l’arrête pas demain ou quand «je veux», la preuve…
Sophie Kieffer