Pour Paris, il en va de l’accord adopté lundi sur les travailleurs détachés comme de la confiture : moins on en a, plus on l’étale. Relayée par les habituels médias hexagonaux, la com macronienne tourne à plein régime pour travestir une capitulation en victoire. Dans ce dossier, la France avait trois exigences. Elle n’a rien obtenu. Si ce n’est une symbolique concession sur la durée des contrats de travail détaché, désormais limitée à 18 mois là où Paris en voulait 12. C’est mieux que les 24 proposés par la Commission mais insignifiant car la durée de ces contrats excède rarement quatre mois. Macron voulait un accord appliqué dans les deux ans. Perdu : la nouvelle directive n’entrera en vigueur qu’en 2022. Plus cuisant encore, le transport routier, très exposé au dumping social, est exclu du texte.
Dans une Union européenne cabossée de toutes parts, le jeune président français a revêtu le costume de l’homme providentiel. Comme Godot, il se veut promesse de changement. Mais contrairement à la pièce de Samuel Beckett, il prétend que l’homme tant attendu est arrivé. Dans son premier gros dossier européen, la seule avancée indiscutable était acquise avant son entrée en fonction : les travailleurs détachés seront à l’avenir rémunérés selon les critères du pays où ils travaillent. Mais pour cela, personne n’a attendu Macron.
Cela augure mal de la suite, sachant que ses projets de parlement de la zone euro ou de mutualisation des dettes européennes se heurtent à des hostilités autrement plus farouches. À commencer, mais pas exclusivement, par l’Allemagne qui ne veut pas en entendre parler.
Pourtant, de Merkel à Juncker, tout ce monde s’y retrouve plutôt bien dans la tactique du coup politique déployée par Macron. À défaut de panser les plaies et de construire un avenir européen dans lequel les citoyens s’identifieraient, chacun noie son incurie dans l’hypocrisie d’une communication outrancière. L’on croyait avoir enfin trouvé Godot, mais en réalité c’est bel et bien Tartuffe qui nous fait face.
Fabien Grasser