«Le Luxembourg aux vrais Luxembourgeois!» Voilà la réponse aperçue sur un réseau social d’un père de famille à une gamine qui partageait un contenu raciste. J’en suis restée bouche bée : un adulte qui encourage la mauvaise graine! Que ce père de famille se rassure, tant que les étrangers n’obtiendront pas le droit de vote aux élections législatives, le Luxembourg restera aux Luxembourgeois, même si près de la moitié de la population (47,5%, selon le dernier comptage) est d’origine étrangère. Les électeurs (de nationalité luxembourgeoise) se sont prononcés à 80 % contre ce droit de vote des étrangers lors d’un référendum organisé en 2015. Depuis, le sujet a été balayé.
Environ 250 000 personnes avaient à l’époque décidé pour près de 570 000 habitants. 613 894 aujourd’hui, dont plus ou moins 200 000 résidents étrangers en âge de voter. Le déficit démocratique se creuse.
La situation du Luxembourg est inédite: d’un côté, une poignée d’irréductibles Luxembourgeois qui craint d’être noyée dans une mer de cultures et de langues différentes, de l’autre, une citoyenneté bigarrée issue de tous les milieux sociaux. Au milieu de tout cela, des citoyens luxembourgeois ouverts et éclairés qui, jusqu’à présent, ont toujours fait barrage aux partis politiques et aux courants idéologiques extrêmement à droite cultivant des relents de nationalisme et de conservatisme aigus. La question du droit de vote des étrangers soulève la question de l’identité ou des identités luxembourgeoise(s). Faut-il «vouloir rester ce que l’on est» pour être luxembourgeois? Être naturalisé? Ou porter un nom à consonance locale et «schwätzen» est-il suffisant pour se fondre dans les 52,5%? Tout dépend si l’on parle d’intégration réelle ou de chiffres.
La croissance de la population dépend, selon les statistiques, essentiellement de l’installation au Luxembourg de citoyens d’origine étrangère. Soit 24 644 nouveaux résidents en 2018. Les 6950 naturalisations ne pèsent pas lourd dans la balance. Mais elles peuvent peser lourd dans les résultats électoraux. La naturalisation semble, pour l’instant, être le seul moyen de pouvoir voter et de clouer le bec aux propos nauséabonds de certains.
Une décision quant au droit de vote des étrangers devra toutefois être prise dans la perspective d’un État luxembourgeois dépassant largement le million d’habitants à l’horizon 2060. L’évolution de la démographie du Luxembourg tient essentiellement aux flux de migration (80% de la croissance démographique) plus qu’à l’écart entre les naissances et les décès. Un flux migratoire lui-même influencé par les fluctuations économiques. Rien n’est écrit, tout peut encore basculer. Le Luxembourg est de plain-pied dans une nouvelle époque de sa longue histoire. À ses citoyens, Luxembourgeois et autres, d’écrire un «happy end». Il ne faudrait pas oublier que si le Grand-Duché se porte bien et peut se développer, c’est grâce, entre autres, aux efforts combinés des Luxembourgeois et des immigrés.
Sophie Kieffer