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Comprendre un homme

Le Comité pour la mémoire de la Deuxième Guerre mondiale est l’interlocuteur privilégié du gouvernement pour la période 1940-1945. Ses membres représentent paritairement les trois «groupes de victimes» : enrôlés de force, résistants et communauté juive. Cette dernière ayant reçu en 2014 les excuses officielles de la part de la Chambre des députés pour le rôle que les autorités luxembourgeoises ont joué dans la persécution des juifs durant l’Occupation. Sa présence au sein du comité venant symboliquement rétablir la place des juifs luxembourgeois au sein de la communauté nationale.

Sauf que, six mois plus tard, lors d’une réunion des membres, lorsque Henri Juda, représentant de la communauté juive et de l’ASBL MemoShoah, demande au président de la Fédération des enrôlés de force (Fedef), Erny Lamborelle, de préciser qui parmi ses membres est considéré comme «enrôlé de force» (référence un brin provocatrice aux 1500 volontaires luxembourgeois au sein de la Wehrmacht et de la Waffen-SS, longtemps présentés comme enrôlés de force), le président de la Fedef le prend mal, très mal, et qualifie l’intervention de «gifle pour tous les enrôlés de force». Erny Lamborelle reviendra sur l’incident lors d’une AG des enrôlés de force : en des termes que les témoins présents jugeront diffamatoires vis-à-vis de la communauté juive entière, dont le Consistoire finira par exiger, sans les obtenir, les excuses du président.

Henri Juda est également revenu dessus : il explique, dans un post sur Facebook, avoir voulu obtenir «une mise à distance claire» de la part des représentants des enrôlés de force, longtemps complices de l’histoire officielle qui dominait dans ce pays, et qui a fait que des décennies durant, les juifs étaient exclus du souvenir de la Seconde Guerre mondiale. Dans la presse, l’incident fut décrit comme vendetta d’ordre privée. On peut y voir autre chose : l’occasion ratée de comprendre un homme (Henri Juda) qui n’a pas la mémoire légère et dont l’histoire personnelle, traversée par l’antisémitisme, remonte, qu’il le veuille ou non, certainement à plus loin que celle de la plupart de nos concitoyens.

Frédéric Braun (fbraun@lequotidien.lu)

Dans une version précédente de cet article nous écrivions que « 2000 volontaires luxembourgeois» avaient volontairement intégrés la Waffen-SS. En réalité, des doutes subsistent sur le nombre exact de volontaires qui a été estimé par l’historien Paul Dostert à 1500 au sein de la Wehrmacht et de la Waffen-SS confondus.

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