Jean-Claude Juncker ne briguera pas de second mandat à la tête de la Commission européenne qu’il quittera à l’automne 2019. La guerre de succession n’est pas ouverte, mais les bruits de bottes retentissent déjà dans les couloirs des institutions et chancelleries européennes. Michel Barnier, postulant éconduit en 2014, ne se déclare pas mais sait que son action de négociateur en chef du Brexit lui vaut les faveurs des conservateurs.
Autre Français, le commissaire aux Affaires économiques, Pierre Moscovici, ne cache pas son intérêt. Le socialiste risque cependant de se heurter à une droite dominante en Europe. Rendue populaire par les recouvrements d’impôts qu’elle inflige aux multinationales, la libérale danoise Margrethe Vestager, commissaire à la Concurrence, est une aspirante crédible, mais elle s’est attiré l’inimitié des «paradis fiscaux» domestiques comme le Luxembourg.
Quoi qu’il en soit, la question qui régente à ce jour le débat porte moins sur un nom que sur la méthode. Pour les uns, la formule du Spitzenkandidat usitée en 2014 par la droite du PPE est la plus à même de répondre au déficit démocratique de l’UE. En somme, les candidats battent campagne et celui dont le parti obtient le plus de sièges au Parlement décroche le graal. Une façon aussi de donner de la substance politique à une fonction réputée trop technocratique.
Le futur chef de l’exécutif est certes soumis au vote des députés européens mais dans les faits c’est aux États membres que les traités donnent le dernier mot. Cette négociation en catimini a les faveurs d’Emmanuel Macron, raillé pour ce grand écart avec son discours appelant à plus de démocratie dans la mécanique européenne. À l’évident penchant caporaliste du président français s’ajoute un calcul politique : avec La République en marche, parti à peine éclos, il est privé de tout relais au sein des institutions communautaires. Les élections européennes de mai 2019 lui permettront au mieux de disposer de quelques dizaines d’élus. Macron craint donc de voir lui échapper un jeu européen sur lequel il mise beaucoup en termes d’action et d’affichage médiatique.
Fabien Grasser