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À qui le tour ?

Obnubilés que nous sommes par les Le Pen, Wilders et autres Farage, personne en Europe n’aurait pensé il y a encore quelques mois que les Américains allaient porter à la tête de la première puissance mondiale un démagogue d’extrême droite. Les signes annonciateurs n’ont pourtant pas manqué, de Sarah Palin au Tea Party en passant par la multiplication des meurtres de noirs par des policiers blancs.

Les dirigeants politiques américains n’ont pas su ou n’ont pas voulu voir et entendre, avançant inlassablement les pions d’un capitalisme financier aussi destructeur pour les plus modestes que pour les classes moyennes pour lesquels Hillary Clinton a fait office d’épouvantail. Faisant fi de toutes les contradictions, Trump l’a bien compris, opposant l’indifférence de l’«establishment», dont il est pourtant un pur produit, à la détresse des laissés-pour-compte de la mondialisation.

En ce sens, son message n’était pas très différent de celui de Bernie Sanders, le sénateur démocrate qui s’adressait au même électorat et dont tout le monde semble découvrir depuis mercredi qu’il aurait peut-être été le seul à même de battre Trump. Mais la comparaison s’arrête là, car si l’élection du candidat républicain symbolise l’échec des politiques économiques néolibérales, elle est aussi la victoire de l’intolérance, de la xénophobie, de la haine.

Malgré les spécificités propres aux États-Unis, cette élection sonne comme un nouvel avertissement pour l’Europe. Le raidissement des sociétés et le repli identitaire, symptômes d’un malaise global, dépassent les frontières américaines. À quelques mois de la présidentielle française, ce résultat vient rappeler qu’il n’est pas illusoire de penser que le Front national pourrait arriver au pouvoir.

Mais là encore, les avertissements sont balayés avec dédain. Trois mois à peine après le vote du Brexit, il n’y a qu’à voir avec quel mépris la Commission et les dirigeants européens ont traité la Wallonie dans l’affaire du CETA. C’est précisément ce genre d’attitude dont ne veulent plus les électeurs, quitte à voter pour le pire en l’absence d’autres alternatives.

Fabien Grasser

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