Jean Asselborn a tancé les Allemands lundi pour avoir fermé la frontière. On peut déplorer cette Europe du chacun pour soi. L’affirmation est souvent populiste, mais au révélateur du virus, elle se révèle vraie. Pourquoi en vouloir aux Allemands ? En l’absence de stratégie globale, la logique est de s’en tenir à un plan de lutte sur un territoire donné… le retour des frontières. Au Luxembourg, on ne veut surtout pas fermer les frontières. La politique à l’égard des frontaliers – 46 % des actifs du pays – laisse songeur : confinement à l’intérieur mais ouverture des frontières. Quitte à surexposer les frontaliers au virus par rapport à la population en général.
Un épisode extrêmement violent s’est par ailleurs déroulé au début de la crise : la première négociation avec les voisins dont le Luxembourg a pris l’initiative ne visait pas tant à protéger les frontaliers (extension des seuils de télétravail) mais à s’assurer que leur impôt sur le revenu continuerait à tomber dans les caisses du pays. C’est cela, la négociation pour dépasser les fameux seuils de 29 jours français ou 24 jours belges : savoir où vont les impôts des travailleurs concernés. Pas les «autoriser» à télétravailler plus : ils peuvent déjà télétravailler 50 jours par an si leurs entreprises les y autorisent (plafond social européen).
Mais la communication emporte tout. On s’est mis des grandes claques dans le dos, on s’est sentis héritiers de Schuman. Le clou des artifices aura été l’annonce d’une «solidarité» avec le Grand Est, parce que les hôpitaux luxembourgeois vont soigner sept patients de Mulhouse. Le tweet de Corinne Cahen a été repris par le président du Grand Est Jean Rottner, puis par Emmanuel Macron lui-même. Qui peut-être ignore que ce sont des médecins frontaliers (62 % du personnel médical au Luxembourg) qui soigneront ces Français. Où ont été formées nos infirmières ? Combien de frontas à la charge publique exclusive des territoires voisins ? Quel delta est laissé dans les caisses de la sécurité sociale luxembourgeoise par les frontaliers ? L’Europe n’est pas assez solidaire, Jean Asselborn est un humaniste et il a raison. Chacun devra se regarder dans une glace après la crise, sans exception.
Hubert Gamelon