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À la mémoire de Savita

Il y a tout juste quatre ans, les Irlandais découvraient avec effroi la mort de Savita Halappanavar, une dentiste d’origine indienne de 31 ans. Enceinte de quelques semaines, elle s’était présentée à l’hôpital de Galway quelques jours auparavant avec de violentes douleurs dans le bas du dos. Il s’est avéré que la jeune femme était en train de faire une fausse couche et que sa vie était en danger. Dans la grande majorité des autres pays européens, la jeune femme aurait été soignée en priorité, puisque l’enfant était perdu. Elle et son mari auraient traversé cette épreuve, comme c’est le cas pour beaucoup d’autres couples, et ils auraient aujourd’hui d’autres enfants.

Mais l’histoire s’est passée en Irlande, un pays qui a inscrit dans le huitième amendement de sa Constitution que la vie d’un fœtus était aussi sacrée que celle de la femme qui le porte. Dans le cas de Savita, les médecins ont tardé à lui porter les soins nécessaires tant que le cœur de son bébé battait. Il leur fallait attendre qu’il meurt naturellement, car sauver la mère équivalait à «tuer» son enfant. Au final, les deux sont morts. Cette tragédie a été vécue comme un électrochoc dans un pays conservateur où les femmes doivent toujours se rendre en Angleterre pour abréger des grossesses vouées à ne pas aboutir.

Il est aujourd’hui question d’abroger ce huitième amendement, mais les politiques traînent des pieds. L’Irlande n’est pas le seul pays concerné par ce type de tragédie. La même histoire s’est passée il y a quelques jours en Italie, avec une femme enceinte de jumeaux qui faisait aussi une fausse couche. Le médecin a déclaré que terminer la grossesse allait contre ses convictions. Les bébés sont morts, leur mère aussi, alors qu’elle aurait pu être sauvée.

Pourtant, en Italie, l’avortement est autorisé. Mais la pression est telle que les médecins refusent trop souvent de le pratiquer. Laisser des femmes mourir en invoquant des convictions religieuses n’est pas l’apanage des islamistes fanatiques. Cela arrive ici, en Europe, dans des pays dits civilisés. Quatre ans plus tard, on aimerait pouvoir dire que la mort de Savita n’aura pas été vaine.

Audrey Somnard (asomnard@lequotien.lu)

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