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Véronique Eischen (OGBL) : « Les plans sociaux dans le secteur financier nous inquiètent »


Véronique Eischen «regrette que l'on parle que de coûts au lieu de parler de la qualité de prestation qui est très spécialisée sur la place financière luxembourgeoise». (photo Isabella Finzi)

Véronique Eischen, secrétaire centrale OGBL-SBA (Syndicat banques et assurances), ne mâche pas ses mots pour décrire les pratiques du secteur bancaire en termes d’emploi.

Véronique Eischen ne cache pas son inquiétude concernant la situation sociale du secteur financier luxembourgeois. Et ce, tant dans les pratiques des dirigeants que dans les lentes négociations de la future convention collective du secteur.

Le Quotidien : Huit plans sociaux en deux ans et plus de 3 000 personnes touchées par ce genre de mesure depuis 2008. Est-ce que l’emploi dans le secteur financier vous inquiète?

Véronique Eischen : Évidemment, cela nous inquiète. Déjà, en fin d’année dernière, nous avions alerté et rencontré le ministre des Finances, Pierre Gramegna, concernant cette « lumineuse » loi 7024 (NDLR : un projet de loi assouplissant les conditions d’externalisation, à l’étranger, du traitement des données dans le secteur financier).

Nous avions alors exprimé nos craintes par rapport à l’exploitation des données à l’étranger, pouvant avoir comme conséquence un effet négatif sur l’emploi, notamment pour les départements de back-office et des TIC du secteur financier, où il existe un risque de délocalisation vers l’étranger. Nos craintes semblent se confirmer.

Pourtant, si l’on regarde les chiffres de l’emploi dans le secteur bancaire, ils sont stables, avec même une très légère tendance à la hausse…

Selon les statistiques, l’emploi semble stable dans les banques. Il n’en reste pas moins qu’on ne sait pas si les gens qui perdent leur emploi du fait d’un licenciement ou d’un plan social retrouvent un emploi sur la place financière. Les vraies statistiques nous manquent. Est-ce qu’il s’agit de transferts d’emplois existants du secteur non-financier vers le secteur financier et vice versa?

Le fait est que 3 000 personnes ont été touchées par des plans sociaux (sans pour autant parler de licenciements individuels) et que l’on perd des personnes qui ont une expérience, un savoir-faire et un niveau de compétence très élevé.

Le secteur financier connaît des transformations profondes, cela implique la disparition de postes mais aussi l’apparition de nouveaux. Est-ce que cela peut expliquer certains licenciements et plans sociaux?

Évidemment, il y a une transformation. Mais là encore, je suis convaincue qu’il est possible de former les gens concernés aux nouvelles spécificités du secteur. Mais rien n’est fait dans ce sens, ce qui est déplorable, alors que je suis convaincue qu’il est tout à fait possible de le faire vu l’expérience professionnelle et la qualification des salariés du secteur.

Un autre argument est généralement avancé par les banques : c’est le coût de la réglementation, qui, d’année en année, pèse sur les finances des banques…

Oui, j’entends cela depuis des années. Pour moi, ce n’est pas un argument, car ce coût, il est le même pour tous, même à l’étranger. Donc pourquoi les coûts réglementaires seraient plus élevés à Luxembourg qu’à Paris, Londres ou dans une autre ville en Europe? Je regrette d’ailleurs que l’on parle toujours que de coûts au lieu de parler de la qualité de prestation qui est très spécialisée sur la place financière luxembourgeoise, ce qui est le reflet du professionnalisme des salariés du secteur. Quand on parle uniquement de coûts, on oublie ce qui fait l’attractivité de la place luxembourgeoise, la qualification des salariés et leur professionnalisme.

Comment expliquez-vous que les banques soient si réticentes à mettre en place des plans sociaux?

Tout simplement pour une question de coûts et certainement aussi pour ne pas nuire à leur image. Si vous pouvez faire partir les gens à moindre frais, pourquoi devoir recourir aux outils légaux qui finalement sont plus onéreux, car plus protecteurs envers les salariés. J’ai d’ailleurs toujours dit que tant que les revenus ou les bénéfices des actionnaires doivent être garantis, les conditions sociales des employés passeront toujours au second plan. Tant qu’il y aura ce souci de rendement, tous les moyens seront bons pour se débarrasser à moindre frais des gens.

Vous dénoncez d’ailleurs les pratiques du secteur en termes de licenciement ou de pratiques visant à contourner les plans sociaux ou même la loi tout simplement…

Oui, comme par exemple le fait de faire signer une convention d’entreprise, qui a comme seul effet d’écarter les syndicats et n’est d’ailleurs pas un outil légal. Négocier une convention d’entreprise ne prévoit aucun moyen de recours légal, en cas de non-aboutissement des négociations, et laisse les salariés ainsi que les délégations du personnel à la merci du bon vouloir des employeurs. […]

Jeremy Zabatta

Retrouvez l’intégralité de cette interview dans Le Quotidien du lundi 13 mars.

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