Une « révolution » en cours dans un climat morose : Angela Merkel a promis d’aider une industrie automobile confrontée à des défis « herculéens » et qui doit regagner la confiance du public, ébranlée par le dieselgate.
La chancelière a ouvert officiellement jeudi le Salon automobile de Francfort (IAA), l’occasion d’adresser plusieurs messages à cette industrie-phare en Allemagne. « On ne sait encore jamais vraiment comment les révolutions vont se dérouler, et c’est pourquoi nous devons les organiser de la manière la plus linéaire possible », a fait valoir la chancelière. Toutefois, « ce serait une erreur de penser que nous pourrions proposer des programmes de subventions de l’État qui correspondent aux innovations des dix prochaines années » en matière de réduction des émissions de CO2, a prévenu Angela Merkel.
Ancien rendez-vous incontournable, incarnation de la puissance de l’industrie automobile allemande, l’IAA est en crise, désertée par nombre de constructeurs. En Allemagne, l’automobile et ses centaines de milliers d’emplois ne sont plus sacrés. Industriels et politiques sont sous pression pour agir contre le réchauffement climatique, dans un contexte marqué par le succès des manifestations « Fridays for future » et la percée des Verts aux élections. L’industrie automobile a « une énorme tâche devant elle », réduire de 40% d’ici 2030 les émissions de CO2, a rappelé Angela Merkel. Atteindre cet objectif passe en partie par une diversification de l’industrie automobile, avec le développement des moteurs électriques.
Mais ce virage a un « prix », a-t-elle souligné. Il nécessite en effet de développer de nouvelles infrastructures. « La fiabilité de l’infrastructure de charge (des batteries) est d’une importance capitale pour le succès de l’électro-mobilité », a-t-elle martelé, pointant le fait que les 20 000 points de charge actuels en Allemagne étaient « loin d’être suffisants ». Son gouvernement doit présenter le 20 septembre un ensemble de mesures favorables au climat, dont certaines devraient avoir un impact sur l’industrie auto. Des « décisions fondamentales » y seront dévoilées, a promis jeudi la chancelière. Relever ce défi est « une tâche herculéenne pour vous et pour nous », a-t-elle lancé aux constructeurs automobiles.
Grandes manœuvres à engager
D’autant que la « confiance » des consommateurs a été ébranlée par les systèmes « inadmissibles » de trucage des moteurs diesel mis en place par plusieurs constructeurs. Signe de cette défiance, plusieurs dizaines de membres d’ONG allemandes manifestaient dans la matinée à proximité du salon pour réclamer « la protection du climat plutôt que des SUV », ces gros 4×4 urbains omniprésents dans les gammes des constructeurs. Ces véhicules massifs font encore plus débat en Allemagne depuis l’accident survenu vendredi en plein centre de Berlin, au cours duquel un SUV a tué quatre passants sur un trottoir. Des voix s’élèvent désormais pour réclamer leur interdiction dans les centre-villes.
Angela Merkel devrait dire aux constructeurs, qui produisent des « voitures de plus en plus grosses », qu’il faut « sortir de l’essence et du diesel, sortir du moteur à combustion et réduire le nombre de voitures », a expliqué Gerald Neubauer, porte-parole de l’ONG écologiste Campact. Greenpeace a organisé une action sur les stands de Volkswagen et de BMW alors que la chancelière faisait le tour du salon : des manifestants y sont montés sur des SUV et ont déroulé des pancartes montrant des voitures avec l’inscription « Tueuses du climat ». Une manifestation plus importante est prévue samedi.
L’ouverture du salon intervient en outre au moment où Volkswagen est de nouveau soupçonné de tricherie sur une génération de moteurs diesels jusqu’à présent non concernée par le scandale, selon la chaîne publique SWR. Le constructeur a démenti toute manipulation. Le constructeur reste par ailleurs fragilisé par le scandale du dieselgate, révélé en 20125, et ses potentielles conséquences judiciaires.
L’automobile dans son ensemble traverse une période de troubles : bouleversements technologiques qui engloutissent des milliards d’euros d’investissements, guerres commerciales, menaces de Brexit dur et, en Europe, l’entrée en vigueur l’an prochain de plafonds d’émissions de CO2 qui contraignent les constructeurs à la coûteuse électrification des véhicules.
LQ/AFP