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Les hôpitaux allemands dépendants des frontaliers polonais


L'Allemagne compte 69 000 frontaliers polonais, dont une petite partie travaille dans la santé (Photo d'illustration : AFP).

Andrzej Zebrowski a longuement hésité avant de l’annoncer à sa famille: pour la première fois de sa vie, ce chirurgien polonais ne fêtera pas Pâques auprès d’elle, préférant rester travailler dans l’hôpital allemand frontalier qui l’emploie.

Comme beaucoup d’autres, il a été confronté à un dilemme après que le gouvernement polonais a unilatéralement décidé le 27 mars d’instaurer une quarantaine obligatoire de 14 jours à toute personne entrant sur son territoire: rentrer auprès des siens ou rester en Allemagne?

Or, l’épidémie du nouveau coronavirus a montré aux Allemands à quel point leur système de santé, en pénurie chronique de personnel, est dépendant de soignants étrangers.

Selon la presse allemande, environ 300.000 Polonais travaillent en Allemagne dans des hôpitaux comme médecins et infirmières et surtout comme aides à domicile pour des personnes âgées ou dans des maisons de retraite.

« La tâche principale de tous les médecins est de prendre soin des patients avec professionnalisme (…) je ne pouvais pas laisser tomber mon personnel à ce moment crucial », explique M. Zebrowski, chirurgien à l’hôpital allemand de Prenzlau, situé à une trentaine de kilomètres de la frontière.

Jusqu’alors, il effectuait quotidiennement les 50 minutes de trajet entre son domicile à Szczecin et l’hôpital.

« Bien sûr, la séparation de la famille n’est pas facile, mais ma femme et mon fils de 7 ans comprennent et acceptent ma décision. Il s’agit d’une situation exceptionnelle », estime le spécialiste.

Aide financière

Si le personnel soignant polonais constitue une petite partie des 69 000 travailleurs effectuant quotidiennement la navette entre les deux pays, leur absence dans les hôpitaux allemands serait préjudiciable.

Dans certaines cliniques, en particulier près de la frontière, plus de 30% des employés viennent de Pologne, selon Frank Ullrich Schulz, président de l’Ordre des médecins du Brandebourg.

Pour les inciter à rester, les régions frontalières allemandes proposent entre 40 et 65 euros par jour à tous les travailleurs frontaliers polonais qui décideraient de rester en Allemagne. Une somme destinée à payer les nuitées d’hôtel et les repas.

A Prenzlau, la moitié du personnel hospitalier est polonais, soit 22 médecins. La plupart d’entre eux ont décidé de rester soigner les patients même si l’établissement n’a pas encore reçu de malades du Covid-19 mais dispose de plusieurs places en réanimation.

« Sans eux, de nombreux traitements et opérations dont le besoin est urgent ne pourraient pas être effectués », déclare Marita Schönemann, directrice de l’établissement, qui craint cependant le pire si l’épidémie venait à engorger ses services.

Avec une politique de tests à grande échelle et un nombre de décès officiellement liés au Covid-19 contenus mercredi à moins de 2.000, l’Allemagne semble pour le moment mieux faire face à la pandémie que nombre de ses voisins européens.

Certains soignants rentrent chez eux

« Sur nos 40 lits en soins intensifs, seuls trois sont occupés actuellement. Mais nous nous attendons à une possible vague », prévient Ulrich Gnauck, directeur de la clinique Asklepios de Schwedt, également limitrophe de la Pologne.

La moitié de ses 40 soignants polonais sont restés: « sans eux, nous devrions fermer la clinique ».

Il peste cependant contre cette « Europe qui a échoué » à édicter des règles communes, alors que l’Allemagne va également instaurer une quarantaine de 14 jours aux voyageurs rentrant sur son territoire à partir du 10 avril, exceptés pour les travailleurs frontaliers.

Certains soignants ont toutefois décidé, souvent à contrecoeur, de revenir près des leurs, pour les rassurer voire les soigner.

« Je ne voulais pas imposer à toute ma famille d’être en quarantaine pour Pâques à cause de moi », période sacrée dans une Pologne très catholique, affirme  Jacek Witkowski, médecin dans un service de réanimation à l’hôpital universitaire de Magdebourg.

Fin mars, et alors que son pays reste beaucoup moins touché par le virus que son voisin allemand, il s’est décidé à rentrer à Szczecin. Cependant, l’organisme d’intérim qui l’avait placé dans l’établissement hospitalier refuse de le payer durant ses 14 jours d’absence, l’obligeant à arrêter leur collaboration.

« Je suis déçu par ce fonctionnement mais vais me reposer quelques jours avant de rechercher du travail, sûrement en Pologne », précise-t-il.

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