L’hypothèse d’une fusion franco-italienne entre la Société Générale et Unicredit, qui créerait un mastodonte européen, n’est pas neuve mais relance les spéculations sur de vastes rapprochements à l’échelle du continent.
La rumeur vient du Financial Times: selon le quotidien britannique, le patron d’UniCredit, Jean-Pierre Mustier, porte depuis plusieurs mois l’idée d’une fusion avec la française. Du côté de Société Générale, on nie toute discussion interne. Chez l’italienne, le démenti est moins ferme : elle ne « commente jamais les rumeurs et les spéculations » et écarte implicitement une opération avant la fin de son plan à horizon 2019.
L’opération, si elle doit avoir lieu un jour, aurait des résonances mondiales. Les deux banques font partie du club fermé des banques « systémiques », dont la taille représente un risque pour l’ensemble de l’économie en cas de faillite. UniCredit est la seule italienne de cette liste de 30 établissements établie par le Conseil de stabilité financière (FSB), organisme international affilié au G20. Chez les françaises, BNP Paribas et le Crédit Agricole en font aussi partie. Reste que l’hypothèse, qui créerait la troisième banque européenne – hors Royaume-Uni – en capitalisation boursière derrière l’espagnole Santander et BNP Paribas, est un « serpent de mer depuis plus de 15 ans », rappellent dans une note les analystes du cabinet Invest Securities.
Surprenant au niveau du calendrier
L’idée ne fait donc guère de vague en Bourse: le titre d’UniCredit gagnait moins de 1% à Milan en milieu de journée. Société Générale s’adjugeait presque 2% à Paris, mais est également concernée par l’annonce du règlement de plusieurs litiges. « Ce type d’annonces n’est pas nouveau: les deux groupes discutent depuis le début 2010 », insistent dans une note les analystes de Jefferies.
Les liens sont aussi personnels. Jean-Pierre Mustier, qui dirige UniCredit depuis deux ans et a redressé ses comptes vers des performances florissantes, est un ancien de Société Générale. Il en est parti en 2009 à la suite de l’affaire Jérôme Kerviel, alors qu’il était largement considéré comme un prétendant à la tête de la française.
En tout état de cause, une fusion « aurait du sens au niveau des activités », notent les experts de Jefferies, même s’ils s’étonnent du « calendrier », notamment marqué par les incertitudes politiques en Italie après la formation difficile d’un gouvernement eurosceptique. La nouvelle entité démultiplierait sa force de frappe en banque de détail, domaine dans lequel Société Générale est par exemple active en Roumanie.
Qui plus est, les experts soulignent que la française signe globalement des performances moroses: une acquisition géante l’aiderait à affronter ses difficultés à faire progresser ses revenus par ses seules activités. Surtout, une opération de cette taille aurait des implications qui dépassent les deux groupes. Elle marquerait la première fusion bancaire de cette taille en Europe depuis la crise de la fin des années 2010. L’italienne et la française ne sont d’ailleurs pas seules à faire l’objet de spéculations. Le Financial Times a aussi récemment évoqué une fusion entre les deux géantes britanniques Barclays et Standard Chartered.
Spéculations
Auparavant, le gouvernement français a lui-même dit tout le bien qu’il pensait fin 2017 de rumeurs sur un rapprochement entre l’allemande Commerzbank et la française BNP Paribas, qui a déjà montré ses ambitions dans les années 2000 avec le rachat de l’italienne BNL et de la belge Fortis. Mais, pour l’heure, ces rapprochements en restent au stade de pures spéculations malgré les vifs encouragements des régulateurs: le gouverneur de la Banque de France (BdF), François Villeroy de Galhau, passe rarement un discours sans l’encourager de ses vœux. « En 2018, nous devrons poursuivre nos efforts pour encourager la consolidation du secteur financier européen », disait-il fin mai lors du bilan annuel du gendarme français de la banque, l’ACPR.
« Il nous faut pour cela travailler à la suppression des obstacles réglementaires qui entravent aujourd’hui les fusions transfrontières. » Sur ce plan, c’est un autre serpent de mer qui revient: la difficile constitution d’une « union bancaire » européenne, qui unifierait les règles et les mécanismes de garantie au niveau du continent. « Jusqu’à l’introduction d’un système de garantie unique au niveau européen sur les dépôts, les fusions au-delà des frontières restent des options très difficiles à réaliser », concluent les analystes Equita Sim, sceptiques sur sur une fusion entre Société Générale et UniCredit.
Le Quotidien/AFP