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Le retour de l’inflation inquiète


Les banques centrales hésitent à combattre cette inflation par peur de briser l’élan de la reprise économique post-covid. (Photo : archives editpress)

Des voix commencent à s’élever pour demander que l’on agisse pour ralentir l’inflation qui s’emballe bien trop vite. Les banques centrales doivent agir.

Morne depuis plusieurs années, l’inflation a fait un retour remarqué en 2021 dans le sillage de la pandémie, compliquant l’équation des banquiers centraux à l’heure du pilotage de la sortie de crise. Que disent les chiffres? Ils montent depuis plusieurs mois. À l’échelle de l’OCDE qui regroupe la plupart des pays développés, l’inflation a été de 4,2 % sur un an en juillet, et de 3,1 % en excluant les produits volatils tels que l’alimentation et l’énergie. Aux États-Unis, la hausse des prix a atteint au deuxième trimestre son plus haut niveau depuis près de quarante ans. La zone euro a affiché en août un plus haut en dix ans. L’inflation dépasse largement les limites généralement tolérées par leurs banques centrales, à savoir plus ou moins 2 %. Ailleurs, l’Afrique du Sud a affiché +4,6 % en juillet, l’Inde +5,59 %, le Brésil +8,99 %. Au sein de la BCE, des voix commencent à réclamer une action pour ralentir l’inflation. Les prévisions actualisées que publie aujourd’hui l’institution de Francfort seront donc particulièrement surveillées.

Pourquoi cette hausse? Après une année 2020 de glaciation économique en raison du covid-19, le rebond de la consommation des ménages et la reconstitution des stocks des entreprises ont fait exploser la demande, et l’offre a du mal à suivre. Cela dope les cours de nombreuses matières premières, pétrole en tête, mais aussi cuivre, bois… Le secteur tech subit une pénurie de certaines puces devenues essentielles dans les secteurs de la téléphonie ou de l’automobile. La congestion des routes du commerce mondial pèse aussi, avec notamment des pénuries de conteneurs ayant plus que quintuplé l’indice Freightos Baltic, qui rend compte du coût du fret maritime entre la Chine et la côte ouest des États-Unis. Par ailleurs, après des perturbations dans les récoltes, l’indice FAO des prix alimentaires, qui mesure la variation mensuelle des cours internationaux d’un panier de produits de base dont le sucre et le blé, se rapproche de son record de 2011.

Un cercle vicieux

C’est aujourd’hui le maître-mot des banquiers centraux : ils affirment qu’il s’agit de facteurs conjoncturels. «On commencera à penser que ce n’est pas transitoire si on a la manifestation d’effets de second tour clairs, à l’image d’une accélération continue des salaires et d’une généralisation des hausses de prix», commente Gilles Moëc, économiste en chef d’Axa à Londres. L’inflation américaine hors énergie et aliments s’explique essentiellement selon lui par les pénuries de semi-conducteurs qui touchent l’automobile et l’électroménager, ainsi que par le secteur du voyage. Ces éléments «ne devraient pas peser lourd au-delà de cette année», confirmait David Mericle, stratégiste pour Goldman Sachs Research, dans un récent podcast interne, appelant toutefois à surveiller l’épargne des ménages et le marché immobilier. En outre, 2021 subit un rebond mécanique après une année 2020 singulière, qui a vu les prix du pétrole s’effondrer et certaines mesures gouvernementales telles que des réductions temporaires de TVA en Allemagne qui, une fois disparues, font mécaniquement monter l’inflation. L’incertitude peut toutefois être de mise. Depuis le début de la pandémie, «les pénuries se sont avérées plus longues que ce que voulaient nous faire penser les banquiers centraux», constate Markus Brunnermeier, professeur d’économie à l’université de Princeton. En août, un des terminaux du troisième port le plus important au monde pour les exportations, celui de Ningbo-Zhoushan à 250 km de Shanghai, a par exemple été arrêté pendant deux semaines en raison d’un foyer de covid-19.

La pandémie n’étant toujours pas maîtrisée, les banques centrales ne veulent pas briser l’élan de reprise économique par un durcissement de position trop rapide, même si plusieurs ont déjà sauté le pas et relevé leurs taux, par exemple au Mexique, au Brésil et en Russie. En outre, après dix-huit mois de «quoi qu’il en coûte» monétaire à coup de crédit très bon marché et de soutien massif au secteur financier, un resserrement trop rapide pourrait causer des remous sur les marchés financiers. C’est ce qui s’est produit lors de l’annonce chaotique par la Fed américaine en 2013 d’une politique moins généreuse, avec ce qui avait été qualifié à l’époque de «taper tantrum» sur les marchés (ou «crise de colère du resserrement»). Un ton moins accommodant de la Fed pourrait aussi se ressentir sur de nombreux pays émergents : ces derniers risquent par contrecoup de subir de fortes hausses des taux auxquels ils peuvent emprunter de l’argent, a récemment alerté le FMI.

LQ

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