Le gouvernement s’apprête à débloquer des aides à l’automobile, plongée dans une crise historique à cause du coronavirus, mais la filière devra devenir plus verte et relocaliser des emplois.
Le marché automobile européen a été divisé par quatre en avril après une chute de moitié en mars, comparé à l’an dernier. Les usines et commerces à l’arrêt pendant des semaines ont gravement amputé les recettes. Des entreprises sont poussées vers la faillite.
L’équipementier Novares, qui emploie 1.350 personnes en France, a été placé en redressement judiciaire fin avril. Même un constructeur comme Renault a été contraint de solliciter un prêt de 5 milliards d’euros garanti par l’Etat.
La filière est en danger d’autant que le redémarrage s’annonce lent. Or, elle pèse en France 400.000 emplois industriels directs, 900.000 avec les services. Même si la place de la voiture est remise en cause dans les centres urbains, elle reste le premier outil de mobilité et un pilier de l’économie nationale.
Appelé à l’aide, le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, a annoncé lundi qu’il présenterait « sous 15 jours » un plan de soutien orienté vers les technologies vertes. Mais il a réclamé en échange une relocalisation de productions en France.
Ce pari des relocalisations est loin d’être gagné. L’automobile française a massivement délocalisé depuis deux décennies, essentiellement vers l’Europe de l’Est, la Turquie et le Maroc. Les dernières générations des citadines Peugeot 208 et Renault Clio, deux modèles emblématiques du savoir-faire national et parmi les meilleures ventes, ne sont plus assemblées dans l’Hexagone.
Après la crise financière de 2008, la France, longtemps deuxième producteur automobile en Europe, a chuté au cinquième rang, et depuis son solde commercial des produits automobiles est chroniquement déficitaire.
Pour Hervé Guyot, expert automobile du cabinet Oliver Wyman, le manque de compétitivité de la France s’explique d’abord par le coût élevé du travail (salaires et charges sociales). Mais il estime que les nouvelles technologies en matière d’électrification sont une opportunité pour le Made in France.
« Sur les véhicules électriques, les temps d’assemblage sont significativement plus bas que sur les véhicules thermiques, et donc le coût du travail moins important. C’est possible, y compris pour l’entrée de gamme, de localiser leur production en France », explique-t-il.
En matière d’équipements, les batteries, mais aussi les moteurs électriques, l’électronique de puissance, les onduleurs pourraient également être localisés en France, selon lui, tandis que la fabrication de moteurs thermiques va progressivement diminuer.
Haute valeur ajoutée
La filière n’envisage pas de fermer des usines à l’étranger pour les relocaliser. Mais elle est prête à investir sur le territoire national pour y produire « une part significative » des technologies d’électrification.
« Ce sont des activités potentiellement à haute valeur ajoutée pour lesquelles, sous réserve de faire les efforts nécessaires, ça peut valoir le coût », a expliqué Marc Mortureux, directeur général de la Plateforme automobile (PFA), qui regroupe les entreprises du secteur.
La PFA aimerait que le gouvernement rétablisse le bonus de 6.000 euros pour l’achat de véhicules électriques par les entreprises, réduit de moitié au 1er janvier. Elle espère obtenir un bonus de 3.000 euros pour les hybrides rechargeables, créneau récemment investi par les constructeurs nationaux.
Elle demande aussi de renforcer sur une courte période la prime à la conversion, qui subventionne la mise au rebus d’une voiture ancienne pour l’achat d’une neuve, façon de stimuler les motorisations thermiques qui représentent toujours l’essentiel des ventes.
« On a besoin maintenant d’intervention pour que les choses reprennent un cours normal. Il faut inciter le consommateur à revenir sur le marché alors qu’il est inquiet », estime aussi Xavier Mosquet, expert du BCG, tout en soulignant l’importance d’une coordination européenne.
Concernant les relocalisations, il plaide pour rééquilibrer les subventions aux implantations autorisées par l’UE dans les pays de l’Est, déjà favorisés par leurs bas salaires, jugeant trop fort l’écart de compétitivité avec l’Ouest.
L’ONG environnementale WWF accueillerait favorablement un soutien à l’achat de voitures électrifiées mais réclame de « pénaliser aussi les véhicules les plus polluants », notamment les SUV, via un malus lié au poids, indique Pierre Cannet, l’un de ses responsables. Il souhaite un soutien aux alternatives à l’automobile, avec notamment un fonds d’urgence de 500 millions d’euros pour le vélo.
AFP