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Barcelone ne veut pas devenir le «Detroit du tourisme»


Plus de 75% des hôtels de la ville sont fermés et ceux qui ne le sont pas atteignent à peine un taux d'occupation de 10% (photo : AFP).

Sergi Pino a dû s’installer à Barcelone pour le travail. Mais au lieu de louer un appartement, il a préféré poser ses valises dans une chambre d’hôtel, profitant des nouvelles formules imaginées par certains hôteliers pour survivre malgré le vide touristique engendré par la pandémie de Covid-19.

La majorité des hôtels de cette ville espagnole très prisée des touristes sont fermés, mais les rares qui restent ouverts redoublent de créativité pour attirer de nouveaux types de clients et compenser la chute du nombre de visiteurs étrangers ces derniers mois.

Certains adaptent leurs installations au télétravail, d’autres offrent des séjours longue durée à prix réduits afin de rivaliser avec le marché de la location traditionnelle, d’autres encore proposent des expériences de luxe aux résidents qui, privés de voyage, peuvent jouer aux touristes dans leur propre ville.

Dans sa nouvelle « maison » à l’hôtel Gallery, Sergi Pino dispose, pour 900 euros par mois, d’une chambre, d’un gymnase, d’une piscine, d’un spa et d’une zone dédiée au télétravail.

« Il y a plus d’espace, je suis au calme, concentré sur mon travail, et rien ne vient me déranger », explique-t-il, costume gris et baskets blanches, devant son ordinateur installé dans une salle de réunion transformée en lieu de « coworking ».

L’hôtel moins cher qu’un appartement

Ancien joueur de basket reconverti en entrepreneur, Sergi Pino devait parcourir les 70 km séparent son domicile de de Barcelone plusieurs fois par semaine. Quand il a cherché un appartement à louer, il s’est rendu compte que l’hôtel était plus rentable.

A l’hôtel, il côtoie d’autres professionnels en télétravail, des couples qui se sont installés ici le temps de faire des travaux chez eux ou des personnes qui devaient partir à l’étranger et dont le départ a été reporté en raison de la pandémie.

« Nous avons déjà huit personnes qui vivent ici et 24 autres réservations sur le point d’être enregistrées », affirme Marta Golobardes, directrice générale du groupe hôtelier, qui possède également des établissements à Malaga (dans le sud de l’Espagne) et sur l’île de Majorque.

Entre mars et octobre, l’hôtel a gardé portes closes. A sa réouverture, il avait adapté ses installations au télétravail, avec des espaces de coworking et des chambres transformées en bureaux, les lits ayant été remplacés par des desks.

Les revenus sont bien loin de ceux obtenus en temps normal, mais constituent un complément et « permettent de donner du travail aux employés et de perdre moins d’argent », explique-t-elle.

Plusieurs établissements ont opté pour des stratégies similaires, allant jusqu’à proposer des chambres à 600 euros par mois, moins chères que le loyer d’un studio.

D’autres mettent en avant des expériences haut-de-gamme, comme cet hôtel qui offre un séjour d’une nuit à ceux qui dînent dans son restaurant une étoile.

Dans une ville habituée à l’abondance, dont les hôtels avaient accueilli 9,5 millions de visiteurs en 2019, la pandémie a provoqué une « tragédie », selon les termes du président de l’association hôtelière de Barcelone, Jordi Mestre.

Plus de 75% des hôtels de la ville sont fermés et ceux qui ne le sont pas atteignent à peine un taux d’occupation de 10%. Beaucoup sont au bord de la faillite, ce qui attire des fonds vautours, ces fonds spéculatifs à la recherche d’entreprises endettées qu’ils peuvent racheter à bas prix.

Un million et demi de clients seulement ont dormi cette année dans les hôtels de la ville, qui doit 12% de sa richesse au tourisme.

Le « Detroit du tourisme » ?

Dans la presse locale, on commence déjà à appeler Barcelone la « Detroit du tourisme », en référence à la décadence que la ville américaine a connue après la délocalisation de la puissante industrie automobile qui avait fait sa richesse.

« Je ne crois pas que ce soit la même situation, même s’il est vrai que le secteur traverse une situation très, très compliquée », estime Remei Gómez, directrice de l’hôtel Claris, un cinq étoiles situé dans le centre de Barcelone.

Si, en juillet, le taux d’occupation s’était péniblement hissé à 50%, la deuxième vague du coronavirus a de nouveau plombé l’activité de l’hôtel, plus silencieux et vide que jamais.

A la porte de l’hôtel, un employé charge dans le coffre d’une voiture la valise d’un client, un homme d’affaires allemand qui dit avoir passé des jours très étranges dans cette ville qu’il connaît bien.

« C’est vraiment bizarre. Je suis allé sur l’avenue des Ramblas ce matin et c’était presque vide. Je ne l’avais jamais vue comme ça. Ca fait presque peur », confie Matt Wittberg, 48 ans, après avoir déposé sa clé à la réception.

AFP

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