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Au Luxembourg, les start-up se crispent


A l'arrêt, sans levée de fonds et en manque de liquidité, les start-up luxembourgeoises appellent au secours. (illustration Hervé Montaigu)

Le coronavirus met à mal tous les secteurs économiques. Les start-up ne sont pas épargnées.

La Fédération luxembourgeoise des startups (FLSU) a alerté avec insistance sur le manque de moyens et de mesures à même de protéger l’écosystème des jeunes pousses, pour en sauver un maximum et ne pas voir le Covid-19 anéantir une grande partie de la «start-up nation» luxembourgeoise.

Sur les réseaux sociaux, nombre de dirigeants de start-up s’inquiètent et tentent de trouver des solutions en adaptant leur modèle d’affaires et leurs activités temporairement. C’est le cas de Supermiro, start-up luxembourgeoise qui renseigne depuis neuf ans sur les bons plans et les bonnes adresses au Luxembourg, à Bruxelles et à Metz. Sur Instagram, Elfy, la fondatrice, a expliqué dans une brève capsule la nécessité de s’adapter en proposant, tout en étant confiné, une diffusion «des bons plans à faire depuis son salon et pour se préparer à la post-hibernation, le tout avec humour».

«On se retrouve très vite seul et submergé»

Même avec un changement de stratégie, les start-up sont sous pression par manque de liquidités, manque de structure administrative, et toutes n’auront pas la chance de réagir assez vite, du fait de leur activité. «Nous sommes souvent mis en avant pour notre agilité, car une start-up n’a besoin que d’un ordinateur pour fonctionner», reconnaît le fondateur d’une start-up luxembourgeoise voulant rester anonyme. Mais, dit-il, «en période de crise, c’est un inconvénient, car on se retrouve très vite seul et submergé par les événements. Et un ordinateur sans clients au bout, c’est comme une voiture sans roues. On est peut-être des entrepreneurs, on aime la difficulté et l’innovation, mais la situation actuelle est une innovation dont on se serait bien passé.»

Du côté de la House of Startups, créée par la Chambre de commerce avec le soutien de la Ville de Luxembourg, il a été décidé d’une réduction de loyer de 50% pour le mois d’avril dans ses quatre incubateurs de start-up. «Les start-up sont particulièrement affectées par la situation actuelle : perte de chiffre d’affaires, des clients qui ne dépensent plus d’argent pour de nouveaux produits innovants, retrait des investisseurs et bien plus encore, avance Philippe Linster, le directeur général de la House of Startups.

Il est donc urgent de prendre des mesures de soutien financier rapides, efficaces, complètes et ciblées, en particulier pour des jeunes pousses innovantes qui ne disposent pas d’un matelas de trésorerie et qui ne répondent pas aux critères conventionnels pour obtenir un prêt bancaire. La priorité absolue en ce moment est de maintenir la liquidité des start-up luxembourgeoises, quels que soient l’étape de leur développement, l’âge et la taille. Il est indispensable d’agir rapidement et de manière décisive, en concertation étroite avec le gouvernement. Nous n’avons que très peu de temps.»

«Tenez bon !» : «C’est juste de la communication»

Du côté de Martin Guérin, le directeur général du Luxembourg-City Incubator, le ton est plus «américain». Lui voit des opportunités dans cette crise : «Il est inutile d’avoir peur! Les temps sont durs, certes, mais ils n’ont jamais été aussi porteurs! J’ai connu deux grandes crises : 2001 et 2008. À chaque fois, j’ai fait le même constat : ceux qui ont su réagir vite et s’adapter s’en sont très bien sortis (…) Pour le moment, il est encore un peu tôt pour se faire une idée précise des répercussions que cette crise va provoquer. Certaines start-up restent confiantes et se mettent en mode veille en attendant le redémarrage. D’autres, pour qui le temps joue en leur défaveur, sont exposées à des risques importants.»

Pour ces dernières, Martin Guérin tempère son optimisme : «Leur trésorerie est au plus bas et elles se trouvent dans une situation délicate après avoir passé des années à développer des produits ou des services innovants et investi la majeure partie de leur argent à cette fin. Si les ventes ne décollent pas, elles risquent de mourir du Covid-19 avant même d’avoir eu la chance de commercialiser leur produit. De plus, trouver des investisseurs actuellement, ne serait-ce que pour gagner un peu de temps, est extrêmement difficile. C’est pourquoi les attentes vis-à-vis de l’État sont très grandes.»

Mais, passé ce bémol, le directeur général du Luxembourg-City Incubator se veut positif : «Malgré la situation actuelle, la plupart des start-up tablent sur une reprise dans les deux ou trois mois et peaufinent leur offre. Elles sont convaincues que la numérisation forcée et accélérée des entreprises va permettre de développer le marché. Finalement, on peut s’attendre à ce que celles qui survivront à cette crise en tirent un certain profit. Donc, mon mot d’ordre actuellement est : tenez bon !»

Ce discours passe assez mal auprès de certaines start-up de la place : «C’est juste de la communication, rétorque le fondateur d’une start-up installée au Luxembourg depuis cinq ans. Il ne faut pas avoir peur, mais certaines start-up vont être sacrifiées. Voilà ce que je retiens. L’innovation, la difficulté, les situations délicates, on connaît cela depuis toujours en tant qu’entrepreneur et le jour où l’on a besoin véritablement d’être aidé, on nous répond de ne pas avoir peur, de tenir bon et d’espérer ne pas faire partie des sacrifiés. Je m’attendais à autre chose de la part d’un incubateur d’une start-up nation qu’un beau discours d’une personne qui n’a pas et qui n’a sans doute jamais eu la vie d’une société et de ses collaborateurs sur le fil du rasoir.» Voilà qui sonne comme un appel au secours.

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