Il y a eu l’hécatombe dans les spots publicitaires, les spams, les promotions alléchantes, des emplacements d’affichage vides: la période de confinement a obligé les marques à adapter leur communication, entre tentatives désespérées et expérimentations pour maintenir le contact avec la clientèle.
« Aucune marque n’était prête, aucune n’a pu anticiper »: cette crise sans précédent a révélé « la nécessité pour beaucoup d’industries de continuer à communiquer. Ne pas disparaître, rester inscrites dans la pensée des gens », affirme Gautier Picquet, président de l’Union des Entreprises de Conseil et Achat Media (Udecam).
Même si « certaines ont réussi à tirer leur épingle du jeu parce qu’elles avaient une utilité économique, quotidienne, vitale », comme les assurances, les banques, les opérateurs télécoms ou la grande distribution qui ont mis en avant leurs employés et leurs services, la plupart ont vu un lien cassé.
Or, « en cette période de chaos, qu’est-ce qui compte? C’est de conserver le lien », souligne Christophe Fillâtre, président de l’agence Publicis LMA. Après « le moment de l’obscuration et de la défensive, il faut repartir à l’attaque. »
Parfois en réorientant son public. Devant la fermeture des hôtels, cafés et restaurants, Christophe Viet, président de Plugwine, une plateforme en ligne de distribution de vin, constate que la « clientèle de caveaux et de salons s’est rendue sur internet », encouragée par l' »augmentation de 25% des mails, et les promotions que les vignerons étaient plus prêts à faire ».
Besoin de contact
L’absence de communication comme la sursollicitation ne sont pas la bonne attitude à adopter, s’accordent à dire les experts.
« Les premiers réflexes des entreprises, c’est de couper les budgets com. La reprise sera d’autant plus difficile », prévient Florence Doré, directrice marketing et communication de Kantar Médias.
Elle a constaté « des descentes aux enfers sur les grands médias, en nombre de spots, en minutes de publicité ». En revanche, « sur les médias sociaux, des petits annonceurs ont pu avoir des opportunités de communication facile ».
Ainsi Séverine Picard, présidente de Fraîche Family, une start-up qui livre des paniers bio, a mis en avant les numéros de ses équipes, leurs prénoms, rappelant systématiquement les clients « demandeurs de beaucoup de relationnel, de contact vocal du fait d’être isolé et d’acheter en ligne dans cette situation bizarre ».
Anaïs Dulac, créatrice des bijoux Fosseth, a également compensé la fermeture des boutiques par la vente en ligne. « J’ai envoyé plein de messages sur Instagram, discuté avec tout le monde, me suis plus livrée. J’ai expliqué: +j’ai besoin de vous en ce moment+. Les gens me l’ont rendu, pour me soutenir moi, la créatrice, plutôt qu’une grosse boîte. »
Changer les idées
Atteindre le client dans son confinement sans être intrusif, en quelques semaines : le défi était inédit pour les enseignes.
« Trouver un moyen de communiquer sans déranger ni harceler, c’est difficile », analyse Grégory Bressolles, professeur de marketing à la Kedge Business School. « On peut par exemple travailler sur l’image de la marque, rassurer. »
Une célèbre marque de vêtements a, elle, « choisi de publier des entretiens de designers, des tutos cuisine, cocktails pour prendre soin de soi à domicile », un fast-food a partagé la recette de ses burgers, poursuit-il.
Avec la fermeture « brutale » de ses trois restaurants parisiens, le groupe Panorama a également choisi de « garder une vision positive ».
« On s’est dit qu’il fallait maintenir le lien avec nos clients. D’abord en partageant des photos souvenirs, de nos plats, puis des visuels pour rappeler les gestes barrières, et enfin une déclaration d’amour de notre PDG ‘Mon cher restaurant’ « , détaille Grégoire Boulant, responsable marketing. Le tout « en réactivant les bases de mails de la plateforme réservation, mais sans spammer ».
Le Vieux campeur qui, pour la première fois en 80 ans d’histoire, s’était lancé en mars dans une large et coûteuse campagne à la télévision, s’est empressé de la retirer pour « mettre le paquet sur les réseaux sociaux », raconte aussi Aymeric de Rorthays, son directeur général. « Pas de promos, mais des messages drôles, personnalisés, pour changer les idées », pour « donner envie pour la suite ».
Pour Gautier Picquet, une nouvelle période s’ouvre, avec « de nouveaux codes » : « le citoyen va parler un peu plus fort. C’est fou comme on peut changer en 8 semaines. »
AFP