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ArcelorMittal : un voile d’incertitude au Luxembourg


Avec 2,2 millions de tonnes d'acier produites en 2019, les cinq sites de production sur le territoire luxembourgeois fonctionnent bien. (illustration Isabella Finzi)

La sidérurgie n’est pas un long fleuve tranquille et derrière les bons résultats d’ArcelorMittal au Luxembourg, les salariés s’inquiètent pour leur avenir.

La cokerie de Sérémange-Erzange d’ArcelorMittal, située à proximité de Thionville, est en sursis. Le géant sidérurgique a annoncé en début de semaine, à l’issue d’un comité économique et social central (CESC) à Paris, la possible fermeture dès 2022/2023 de la cokerie du site de Florange en Moselle, ville encore marquée par la fermeture des hauts-fourneaux.

Depuis plusieurs mois, des rumeurs circulaient sur la fermeture de la cokerie du site, qui emploie 230 à 250 personnes. «Compte tenu du plan d’investissement envisagé afin de réduire nos émissions de CO2 de plus de 30 % d’ici à 2030, le besoin en coke devrait diminuer et le site de Dunkerque pourrait être autosuffisant à court terme (2022/2023)», a expliqué dans un communiqué le groupe sidérurgique. «L’utilisation de la cokerie de Florange, initialement prévue jusqu’en 2032, pourrait être remise en cause», a-t-il ajouté. Joint par nos soins, ArcelorMittal a bien souligné qu’il ne s’agissait «pour le moment que d’une option mise sur la table».

Mais du côté des salariés, l’annonce a créé une vague d’incertitude que le dossier Ilva, en Italie, pourrait peut-être lever. «Même s’il n’y a encore pas de décision à ma connaissance, l’avenir de la cokerie est davantage lié à Ilva et ses hauts-fourneaux», renseigne Robert Fornieri, secrétaire général adjoint au sein du LCGB, fort d’une expérience de plus de 20 ans dans le secteur sidérurgique. Concrètement, avec Ilva et sa production de 4 millions de tonnes d’acier par an, les besoins en coke seront vitaux pour les quatre hauts-fourneaux de Tarente. Dans le cas contraire, ArcelorMittal sera tout simplement en excédent de coke et l’avenir de la cokerie de Sérémange-Erzange sera en pointillé.

Production luxembourgeoise très différente

Notons qu’une «fermeture de la cokerie n’aura pas de répercussions directes sur la sidérurgie au Luxembourg», précise Robert Fornieri, puisque les sites luxembourgeois ne se fournissent pas en coke. Pour rappel, le coke est le «carburant» des hauts-fourneaux.

Du côté luxembourgeois, l’avenir, à en croire les syndicats, n’est pas pour autant plus radieux même si d’un point de vue industriel, les sites sidérurgiques se portent bien et que le type de production est radicalement différent que celui en France.

Avec 2,2 millions de tonnes d’acier produites en 2019, soit une augmentation de 0,46 % par rapport au 2,190 millions de tonnes en 2018 – là aussi en augmentation d’un peu plus de 2 % par rapport à 2017 – les cinq sites de production sur le territoire luxembourgeois fonctionnent bien. Le site de Belval a battu son record de production avec 804 000 tonnes en 2019. Le site de Rodange a été retenu pour fournir de l’acier pour la construction de la plus grande grue du monde – pouvant soulever une charge de 5 000 tonnes – en plus de fournir des rails pour le toit de la future enceinte de Roland-Garros. Le site de Bissen a vu ses ventes augmenter de 5 % et a recruté 54 personnes l’année dernière. Enfin, le site de Differdange aura fourni plus de 21 000 tonnes d’acier pour la construction du Lakhta Center, plus haut gratte-ciel de Russie et d’Europe et futur siège du groupe Gazprom.

Inquiétude et tension

Malgré les bons résultats d’ArcelorMittal au Luxembourg, les syndicats, dont le LCGB, ne cachent pas une certaine inquiétude face au vaste de plan de transformation «Score». «Avec ce plan de transformation, l’inquiétude, l’incertitude et la tension sont palpables au sein du secteur. Selon nos estimations, on parle d’une réduction d’effectifs de plus de 216 personnes. Évidemment, la direction d’ArcelorMittal souligne qu’il s’agira de départs en préretraite, mais nous ne sommes pas convaincus», assure Robert Fornieri du LCGB qui ne cache pas non plus une confiance écornée entre la direction et les syndicats. «Nous comprenons les besoins de transformation, mais nous voulons des garanties avec un plan de maintien de l’emploi ainsi que le maintien d’un outil de crise comme la tripartite. Car lorsque que l’on parle d’une réduction d’effectif, on parle bien d’un état de crise», affirme le syndicaliste.

Pour éviter de noircir le trait, notons que le dialogue social est toujours d’actualité et qu’il y aussi des bonnes nouvelles sur certains sites. «À Bissen, une trentaine d’intérimaires ont signé un CDI. C’est effectivement une très bonne nouvelle», reconnaît Robert Fornieri. Ce dernier ne change pas pour autant sa position : «Nous sommes dans l’incertitude avec ce plan de transformation Score. Il y a encore des négociations, on parle également d’investissement, mais pour le moment, les sommes me semblent tout de même très basses par rapport à la réalité des besoins. Et je le répète, au niveau de l’emploi, cela ne nous plaît pas.»

Notons également qu’au fil des années, ArcelorMittal a perdu son statut de plus grand employeur privé du pays. Si en 2003, le géant de la sidérurgie affichait jusqu’à 6 770 salariés, ils n’étaient plus que 4 260 employés en 2015, contre 4 600 un an plus tôt. En 2019, le sidérurgiste affichait 3 851 employés et n’était plus que le sixième employeur du pays.

Des chiffres à considérer avec prudence et à mettre partiellement en lien avec la transformation du métier et à l’évolution technologique des outils. De plus, le secteur sidérurgique connaît depuis plusieurs années un contexte difficile entre la concurrence de l’acier chinois, les normes environnementales toujours plus contraignantes et une politique européenne contestable.

Jeremy Zabatta (avec AFP)

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