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Yak aux Rotondes : « Le rock, c’est primaire, même stupide ! »


Entre rock primitif et concerts incendiaires, Yak est l'un des groupes anglais les plus intéressants du moment. (photo DR)

Ils sont trois, ne s’embarrassent pas avec les formes et proposent un rock en équilibre précaire entre délicatesse et sauvagerie. Yak, en studio comme sur scène, joue dans une urgence communicative. Puissant.

Il vient de Wolverhampton, ancienne cité industrielle des Midlands, en Angleterre, dont la devise est : «Au cœur des ténèbres, la lumière vient»… Entre ennui et échec scolaire, Oli Burslem, gueule d’ange à la Mick Jagger, décide de monter un groupe avec ses maigres moyens. Ce sera Yak, power trio à l’énergie dévastatrice. Trois ans plus tard et un album marquant, sorti avant l’été 2016 – Alas Salvation, produit par Steve Mackey, bassiste de Pulp – les envies restent les mêmes : faire de la musique honnête et sans chichi, entre rock tordu et envolées pop baroques. On fait le point avec le chanteur-guitariste avant un concert, la semaine prochaine, au Luxembourg, du côté des Rotondes.

Est-il vrai que vous avez commencé la musique parce qu’il « n’y avait rien à faire » dans votre ville, Wolverhampton ?

Oli Burslem : Oui, c’est vrai ! Beaucoup de groupes, d’ailleurs, naissent de cette manière. Un mélange d’ennui profond et d’éloignement scolaire… Face à un tel constat, la musique devient rapidement un moyen de s’occuper, de s’en sortir, même, et ne pas cumuler les ennuis.

À ce propos, vous y jouez jeudi. Ça fait quoi de retourner sur ses terres ?

C’est bizarre, et aussi embarrassant, car nos familles seront là. J’ai parlé à ma mère, il y a quelques jours de ça, et elle m’a dit : « Ça serait bien que tu bois et fumes moins, et fais attention si tu te jettes dans le public »… Pour cette dernière remarque, vu le peu de tickets que l’on a vendus, je ne vais pas prendre de risques (rire). Mais ça sera bien la première fois qu’elle va voir Yak. Il va falloir se tenir…

Saviez-vous que Yak, en français, désigne une sorte d’énorme vache poilue d’Himalaya ?

C’est quelque chose qu’on nous a dit, en effet. On songe à faire des tee-shirts avec… Plus sérieusement, ce nom, c’est très simple : on est trois, pour trois lettres, c’est parfait ! J’aime bien les groupes dont le nom est court et reste en tête. Et puis, avec Yak, on peut s’aventurer dans tous les styles. Par contre, si vous vous faites appelez The Black Motorcycle Wheels ou un truc de ce genre qui sonne très rock, oui, c’est nettement plus compliqué…

Peut-on dire que Yak, c’est du brut, sans concession ?

En même temps, on est trois, ce qui ne laisse pas énormément de perspectives. On fait du bruit, on se donne tout le temps à fond… J’aime aussi des orchestres de 20 musiciens, mais pour les faire entrer dans ma voiture, bonjour! Yak sait très bien y faire avec ses moyens… limités.

Quel regard portez-vous sur Alas Salvation, votre seul album, sorti en mai 2016 ? Vous plaît-il toujours autant ?

Oui, toujours. C’est assez fou, à mes yeux, d’avoir enregistré un tel album en dix petits jours avec des moyens très limités (NDLR : un garage et deux micros). Il sonne, pour moi, comme aucun sorti récemment. Un bon disque de rock’n’roll, en somme. Il n’a aucune ambition, en dehors d’être le plus authentique et le plus honnête possible. Ce n’est pas une de ces productions indécentes, comme il y en a tant, dont l’unique préoccupation est de se faire remarquer, et pourquoi pas, de gagner pas mal d’argent.

Yak est incontestablement un « power trio », mais il lui arrive de s’égarer dans le blues ou même la pop baroque. Comment expliquez-vous ces orientations ? Vous n’aimez pas choisir un style ?

C’est cela. Déjà, nos influences sont multiples. D’autre part, changer, parfois, de style, c’est un bon moyen de se remettre en question, de relever d’autres challenges. On peut à la fois se lancer dans quelque chose de bruyant, énergique, d’intense, voire relevant de l’exutoire, comme dans d’autres musiques plus douces, ouvertes, sans aucun cri… On cherche juste à faire de beaux disques, et le prochain suivra cette même philosophie.

Dans le même ordre d’idées, mi- septembre, vous avez dévoilé un nouveau morceau, All I Need Is Some Sunshine in My Life, produit par Jay Gum Watson (Tame Impala). Doit-on justement s’attendre à une orientation psychédélique ?

Peut-être. Mais on ne va pas commencer à porter des chemises colorées et mettre des fleurs dans les cheveux. On n’est pas des hippies ! Mais musicalement, oui, c’est bien de semer le doute. Pour moi, c’est toujours bien de s’entourer d’une part de mystère.

Pour vos concerts, vous ne préparez jamais de set list, vous êtes ouverts à différents styles, vous parlez d’honnêteté… L’improvisation est-elle essentielle pour Yak ?

Oui, je pense. Vous savez, le rock, quand c’est bien fait, c’est assez primaire, stupide même ! C’est complètement idiot, effrayant, voire déprimant, de toujours faire la même chose : les mêmes chansons, les mêmes enchaînements, les mêmes concerts, encore et encore…

Beaucoup, justement, ont été étonnés, positivement, par vos concerts, toujours explosifs, déroutants, puissants. Quel est donc votre secret ?

Cette sauvagerie sur scène, c’est un mélange détonnant entre une extrême confiance en soi, qui peut être prise pour de l’arrogance, et des interrogations permanentes, combinées à de la timidité. Genre, « ouais, on est le meilleur groupe de rock du monde ! », puis « mais non, c’est nul. Il faudrait que je me trouve un boulot sérieux, comme plombier ou infirmier » (rire). Ça tourne en boucle dans ma tête. Je suis le mélange de ces deux extrêmes. Il faut bien que ces tensions sortent à un moment ou un autre, non ?

Quelles sont vos attentes ?

Je n’en ai aucune, car quand c’est le cas, on est souvent déçu… Musicalement, par contre, j’aimerais continuer à aller de l’avant, tenter et voir où ça me mène. Je ne connais rien en musique, donc, ma marge de progression est énorme ! Va-t-on continuer à jouer toute notre vie ? Ça, j’en doute, mais je vais faire de mon mieux pour essayer de vivre décemment, sans avoir besoin de voler dans les magasins et dormir dans ma voiture. Ce serait ennuyeux…

Vous jouez au Luxembourg, pour la première fois, la semaine prochaine. Qu’en savez-vous ?

Que c’est tout petit, que c’est au centre de l’Europe et qu’il y a pas mal d’argent. Voilà… Mais ce genre de découverte est toujours sympathique. Oui, toutes les surprises sont bonnes à prendre !

Entretien avec Grégory Cimatti

Rotondes – Luxembourg. Jeudi 19 octobre à 20h30.

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