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Trois mois de violences au Venezuela : des habitants racontent


Les manifestants cagoulés se livrent à des affrontements avec les forces de l'ordre dans le quartier d'Altamira, à Caracas. (photos AFP)

Cela fait trois mois, samedi, que le Venezuela est en proie à une vague de manifestations hostiles au président Nicolas Maduro : dans ce pays quasiment à l’arrêt, où les violences ont fait plus de 80 morts, cinq habitants racontent leur quotidien.

Routes bloquées, classes suspendues et pillages compliquent la vie des Vénézuéliens, déjà confrontés aux pénuries, à une inflation vertigineuse et à la criminalité. L’Observatoire de la conflictualité sociale (OVCS) a comptabilisé 2 700 manifestations depuis le 1er avril et 157 pillages ou tentatives.

« Ils ont tout pris »

Ricardo Rivas est dévasté. Sa boucherie a été saccagée dans la nuit du 16 mai, comme 20 autres commerces de San Cristobal. « Ils ont absolument tout pris », raconte cet homme de 29 ans.

Pendant une heure et demie, des hommes armés ont détruit le travail de plusieurs années, emportant la viande, les couteaux, les machines… Ne restent que les frigidaires.

« J’ai été tenté de fermer  et partir, mais je suis de ceux qui pensent qu’il faut rester et lutter », dit le commerçant, qui a mis en vente sa camionnette et licencié la moitié de ses employés pour s’en sortir.

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« Éviter le danger »

Jean Carlo Ponce ruse pour esquiver les routes coupées et les barricades, mais quand la foule manifeste, ce chauffeur de taxi sait que les clients sont plus rares. Il peut rester jusqu’à deux heures à l’arrêt.

« Quand la manifestation termine, tout le monde s’en va, donc c’est mieux de ne pas rester ici, avec le risque qu’on te vole la voiture ou l’argent », raconte-t-il. « On essaie d’aller dans des zones où il n’y a pas de danger qu’ils nous brûlent le taxi ».

Lors des mobilisations, jusqu’à 30 stations de métro ferment, mais les taxis n’en profitent pas, leur tarif étant inabordable pour beaucoup de Vénézuéliens, alors que l’inflation atteindra 720% fin 2017 selon le FMI.

L’école est finie

Étudiante en langues, Laura Doffiny, 21 ans, soupire : « Je devrais avoir 10 cours par semaine et au final je n’en ai que trois ou quatre ». Empêchés de se déplacer, des professeurs annulent les cours, d’autres proposent des sessions virtuelles.

Son université a décrété trois jours de deuil après la mort de l’étudiant Juan Pernalete en avril lors d’une manifestation. Les examens ont dû être repoussés. Sur cinq matières, « il y en a une où je n’ai pas eu un seul cours », s’inquiète Laura, qui défile quand elle n’a pas classe.

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« La situation est explosive »

Depuis sa boulangerie, Daniel Dacosta aperçoit les manifestants cagoulés, prêts à de nouveaux affrontements avec les forces de l’ordre dans le quartier d’Altamira, à Caracas. Une fois de plus, il baisse le rideau.

Dans cette agitation permanente, la pénurie de farine s’est aggravée, obligeant ce Portugais de 64 ans à renvoyer certains salariés et réduire ses horaires. Son commerce ne fonctionne qu’à 50%. « Les clients ne viennent pas, la situation est explosive », se lamente-t-il. « Les gens ont peur de sortir à cause des bombes lacrymogènes et des voyous ».

Si la situation reste ainsi jusqu’à fin 2017, le PIB chutera de 9%, plus que les -4,3% initialement prévus, selon Asdrubal Oliveros, directeur du cabinet Ecoanalitica.

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Gaz lacrymo dans l’appartement

Karelis Roja vit cette crise comme mère de famille, comme travailleuse et comme manifestante. Ses enfants – une fille de 12 ans, un garçon de cinq – ont été privés d’école trois semaines. « Les gens qui vivent près des écoles préviennent les autres s’il y a des tanks (anti-émeute) ou pas, si les rues sont fermées. Ainsi on décide si on les emmène », raconte cette mère célibataire de 37 ans.

Le jour où les gaz lacrymogènes ont rendu irrespirable son appartement, elle a enfermé les enfants dans une chambre. Le plus jeune, traumatisé, va voir un psychologue. « La peur, l’angoisse, ça l’a affecté ».

Les ventes des habits qu’elle confectionne sont réduites de moitié. « La dernière chose que veulent les gens en ce moment, c’est acheter des vêtements ». Mais elle refuse de rester chez elle « à pleurer » ses difficultés : « Le moyen de montrer mon mécontentement, c’est de sortir dans la rue ».

Le Quotidien/AFP

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