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[Théâtre] (Luxem)bourgeois en colère !


Jules Werner interprète Benoît Pleimer, un banquier jusque-là sans histoire, bien décidé désormais à tuer tous ses collègues et ses clients. (photo Bohummil Kostohryz)

Dans « Performance », monologue en luxembourgeois de Guy Helminger, Jules Werner offre une pertinente critique de la société luxembourgeoise. À découvrir à partir de vendredi au théâtre du Centaure.

Être seul en scène, pour le comédien Jules Werner, c’est une grande première ! Et si cette spécificité a été imposée dans ce projet plus pour des contraintes budgétaires que par une réelle envie de se lancer dans un long monologue, le fait de jouer cette pièce en langue luxembourgeoise vient «d’une véritable envie de jouer dans ma langue maternelle, ce qui est rare», lance-t-il. Il ajoute : «Et aussi de l’envie de montrer qu’on peut faire du théâtre en luxembourgeois intelligent et profond. Performance est une œuvre où le niveau linguistique est élevé, le rythme soutenu et où on demande vraiment aux spectateur de réfléchir.»

Il faut dire aussi que pour critiquer la société luxembourgeoise, ses «cancers» comme disent la metteur en scène, Anne Simon, et le comédien, rien de tel que de le faire dans la langue de Dicks avec, dans la salle, les représentants, anonymes ou non, de cette société que la pièce critique. La société luxembourgeoise a «un côté très bourgeois qui a donné plein de gens qui ont du mal à exprimer leurs émotions – on est tous polis, trop polis – et dès que quelque chose arrive, c’est la panique au lieu de réfléchir et de travailler sur ses émotions, note Jules Werner. Ça donne toutes ces discussions superficielles sur la langue, par exemple, autour de cette devise, Mir wölle bleiwe wat mir sin qui est désormais sortie de son contexte; et une ouverture d’esprit, qui a toujours fait partie de notre ADN, de plus en plus remise en cause en ce moment… Ce qui finit par donner 80% de non à notre référendum sur le vote des étrangers.»

Une critique universelle et intemporelle

Performance traite tous ces sujets, mais sans jamais les nommer, sans jamais tenter d’attaque brutale, directe. Au contraire, le texte écrit par Guy Helminger se veut intemporel – «dans 50 ans il sera toujours d’actualité», assurent les artistes – et avec une grande universalité. Après tout, difficile de ne pas voir de lien entre ce que vit en ce moment le Grand-Duché et «le Brexit ou encore l’élection de Donald Trump», laisse entendre Jules Werner. Autant de situations, selon lui, où des «Wutbürger», ces «citoyens en colère, semblent avoir voulu exprimer un malaise général au lieu de s’intéresser à un vote précis ou de vouloir répondre à la question qui leur était posée.

Le soir où le spectateur fait sa connaissance, Benoît Pleimer va rejoindre la cohorte de ces «citoyens en colère», en s’enfermant dans sa banque, arme à la main. Et cela même si, à l’origine, il a une bonne situation et sort d’une famille aisée. Car la colère, rappelle la pièce, ne vient pas nécessairement des milieux défavorisés.

Le titre de la pièce penche d’ailleurs en ce sens. «Performance a un double sens, rappelle Anne Simon. Il y a la performance artistique : on est au théâtre, on a une sorte de contrat avec le public qui implique qu’il accepte de croire, sans le remettre en question, ce qu’on lui dit, avec la mise en scène et dans le décor qu’on a choisis, etc. Mais il y a aussi la performance au travail, cette pression que tout le monde ressent pour être un bon citoyen qui travaille bien.» Benoît Pleimer réunit les deux, avec d’un côté, le travail qu’il a toujours accompli sans broncher, et de l’autre, l’idée qu’il a en pensant à la journée suivante de la regarder à chaque fois telle une performance qu’il doit réussir.

Non dénuée de quelques moments drôles, d’instants touchants, la pièce possède un sens on ne peut plus profond. Il y a les anecdotes dans lesquelles devraient se reconnaître de nombreux Luxembourgeois – autant de Benoît Pleimer en puissance ? C’est un appel à la réflexion sur la société grand-ducale, telle qu’elle est aujourd’hui et telle qu’on la voudrait à l’avenir, ou encore l’analyse de l’instant où une lutte légitime devient du terrorisme. Le tout en 1h21. Autant dire qu’elle ne devrait pas avoir de temps mort, et que les droites, directs ou crochets devraient pleuvoir sur un rythme effréné.

Pablo Chimienti

Les dates de représentation

Première, ce vendredi à 20h au théâtre du Centaure à Luxembourg.
Puis les 20, 24, 25, 26, 27, 30 novembre et 2, 3, 4 décembre, à 20h. Sauf les jeudis et dimanches à 18h30.
En tournée au Kulturhaus Niederanven les 9 et 10 décembre, puis au CAPe d’Ettelbruck le 15 décembre.

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