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[Théâtre] Lutte des classes, guerre des sexes au Centaure


L'histoire ? George Dandin, paysan débrouillard, s'est enrichi au fil des ans à grands renforts d'entourloupes. (photo DR)

Pour le Centaure, la metteure en scène Anne Simon s’empare d’un Molière peu connu, George Dandin, où il est question de luttes sociales et d’émancipation féminine.

« De moi-même, je ne me serais jamais dit : Tiens, je vais faire un Molière !» L’aveu est d’Anne Simon qui, dans une envie personnelle de «challenge», a tout de même accepté cette commande «classique» du Centaure pour trouver dans ce texte, datant de 1668, de nombreux points d’accroche avec la société contemporaine, sujet avec lequel elle se sent plus à son aise. Moins connu que Tartuffe, Dom Juan ou Le Misanthrope, George Dandin suit pourtant les obsessions de son auteur (statut social, destin, pouvoir…), dans une veine certes plus sombre. «Le tragique prédomine largement sur la comédie», confirme la metteure en scène.

L’histoire ? George Dandin, paysan débrouillard, s’est enrichi au fil des ans à grands renforts d’entourloupes. Avide de reconnaissance, il s’est offert un Versailles en modèle réduit, une jeune femme, un titre de noblesse et de beaux habits. Devenu Monsieur de la Dandinière, il s’attire alors les foudres de l’aristocratie locale désargentée, mais assiste impuissant au naufrage de son mariage, son épouse manifestant désormais des velléités d’indépendance. Trois fois, pour autant d’actes, les apparences se retourneront contre lui…

Apparence, voilà le terme essentiel pour mieux comprendre l’orientation d’Anne Simon, qui choisit de placer sa pièce en plein cœur de l’utopie bourgeoise hollywoodienne. «Ça m’a fait penser aux années 1950, aux banlieues pastel, aseptisées, où tout sonne très faux», genre Desperate Housewives ou Mad Men, univers qui portent, en effet, en eux, les valeurs de la bourgeoisie du XVIIe et cette époque iconique de la culture pop américaine : ennui, abondance, fausseté, prétention, tradition…

La femme indépendante

Elle poursuit : «Chacun des protagonistes porte des attentes : les parents pensent parvenir à adapter le nouveau venu à leur guise et leur fille sera casée aisément; Dandin, lui, pense parvenir à faire tomber sa promise amoureuse de lui et que cette dernière sera femme idéale au foyer; ou encore la fille, qui pense parvenir à s’enfuir avec celui qu’elle aime vraiment.»

C’est d’ailleurs vers cette figure «extrêmement progressiste» que se tourne plus volontiers Anne Simon, qui la voit comme le personnage central de la pièce : «Angélique se situe entre la structure paternaliste et celle, machiste, que représente Dandin, qui au passage la considère comme un objet puisqu’il l’a achetée.» Entre oppression et attentes sociales, elle ne transige pas. «C’est une femme qui revendique son indépendance, lâche-t-elle. En somme, elle dit : « Vous m’avez de force et je ne le veux pas ! Si ce sont les structures qui existent et dans lesquelles il faut fonctionner, laissez-moi au moins me donner du plaisir autre part. Je veux jouir ! » Je trouve ça fort, même pour aujourd’hui.»

Une farce qui, pour donner encore plus de sens à ces mondes de papier, prendra racine dans un jardin tiré à quatre épingles, entre gazon synthétique et fleurs en plastique. Un plateau de théâtre-cinéma qui n’oubliera pas les attributs de circonstance, comme un script qui tiendra lieu de prophétie, que «l’antihéros va chercher, tout au long des confrontations, à changer». Une «cause perdue» raconte, dès l’entame, le paysan moqué. Un «spoiler» qui ne manque pas de singularité.

Grégory Cimatti

Au théâtre du Centaure Luxembourg, jusqu’au 26 mars

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