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[Théâtre] Les Dakh Daughters, guerrières sur le front musical ukrainien


Ajouté au dernier moment, le Grand Théâtre termine sa saison avec le spectacle Danse macabre des Dakh Daughters, groupe militant qui a quitté l’Ukraine pour parler de la guerre, témoigner et surtout, faire front. Rencontre.

Leur chanson Rozy/Donbass avait électrisé Maïdan, haut lieu de la révolution pro-occidentale à Kiev en 2014. Aujourd’hui réfugiées en France, les Ukrainiennes du groupe Dakh Daughters veulent «enflammer le cœur» des Européens pour défendre leur pays en guerre. À la fois musiciennes et comédiennes, les sept interprètes – actuellement six puisque l’une d’entre elles est restée à Kiev – se sont réfugiées à la mi-mars, avec leurs enfants, à Vire dans le Calvados (nord-ouest de la France), et ont présenté à l’Odéon à Paris, la semaine dernière, Danse macabre, un spectacle de «résistance» qui veut témoigner des horreurs du conflit.

«Aucune d’entre nous ne voulait prendre la décision de devenir réfugiée. C’était très difficile de quitter l’Ukraine», raconte l’une d’entre elles, Ganna Nikitina, 36 ans. C’était sans compter l’énergie de Vlad Troïtsky, fondateur du groupe en 2012 dans son théâtre Dakh à Kiev, qui décide après le début de l’invasion russe de monter un programme baptisé «Ukraine Fire», déjà en tournée en France, avec des dates à l’étranger. Et une invitation, celle du Préau, Centre dramatique national à Vire, dirigé par Lucie Berelowitsch qui connaît bien le groupe.

Après maintes hésitations, «j’ai compris qu’il fallait le faire», précise la chanteuse et musicienne. «Les gens sont fatigués des mauvaises nouvelles. Vous pouvez toujours éteindre la télévision et ne pas regarder la souffrance des autres mais, au théâtre, vous ne pouvez pas regarder ailleurs… La culture peut rallumer les cœurs.» Dans une ambiance sombre, telles des prêtresses punk ou gothiques avec leur visage maquillé en blanc, khôl aux yeux et lèvres rouges – leur signature –, elles racontent des histoires de viol, de réfugiés, à l’aide de monologues, de danses, de chants folkloriques ukrainiens, de rock et de hip-hop, de cris et… de l’énergie débordante qui a fait leur renommée.

Après le spectacle, en ukrainien surtitré en français, «les spectateurs sont restés sans voix», raconte Ganna Nikitina, qui a quitté l’Ukraine avec son petit garçon, sa mère, sa sœur et sa petite nièce. «Ils ont compris la souffrance, l’horreur. Ils étaient comme à l’intérieur de la guerre», ajoute l’artiste qui a cru un soir mourir lorsqu’une forte explosion a fait trembler violemment son immeuble à Kiev. «C’était comme la fin du monde.»

Pour elle, les Dakh Daughters ne montrent pas «de la politique mais la réalité», estimant que les artistes ne peuvent plus se permettre le luxe de ne pas être engagés «car ceux qui dirigent ce monde ont trop merdé». Elle est émue par «l’énorme soutien» du peuple français et à l’internationale, mais ne cache pas sa colère contre l’Occident qui, pendant longtemps, «a cru qu’il pouvait faire du business avec la Russie alors que la guerre avait véritablement commencé il y a huit ans».

Leur genre musical et théâtral, qu’elles nomment «freak cabaret», s’est toujours inspiré de textes d’écrivains ukrainiens qu’elles veulent plus que jamais mettre en avant, notamment ceux de «La Renaissance fusillée» : les poètes Mykhaïl Semenko et Mykola Zerov ou le metteur en scène Les Kourbas, qui faisaient partie d’une génération d’intellectuels exécutés sous Staline dans les années 30. Sans oublier le plus célèbre poète ukrainien, Taras Chevchenko, fait prisonnier sous l’Empire russe.

«Quand on faisait des tournées en Russie, je sentais qu’ils nous détestaient dès qu’on parlait de notre liberté, de notre dignité», se remémore-t-elle avec amertume. Que pense-t-elle des Russes opposés à Vladimir Poutine? «C’est une question difficile… Les Russes qui luttent pour la liberté, c’est appréciable mais, pour le moment, je ne peux que penser à ma nation bombardée.» Elle ne sait pas non plus si l’exil sera long pour elle et ses sœurs artistiques. «Malheureusement, je sais que ça ne prendra pas fin en un mois ou deux… Et, en Ukraine, les gens sont fatigués et ont vieilli d’un coup.»

Ceux qui dirigent ce monde ont trop merdé!

Le spectacle

Comment faire front lorsque la guerre surgit? À travers leurs témoignages et ceux de femmes ordinaires, six comédiennes et chanteuses ukrainiennes nous livrent des histoires poignantes qui racontent la douleur intime de vivre le conflit au quotidien, la façon dont il a transformé leur rapport à la vie et à leur famille. En mêlant à ces récits leurs nouvelles compositions musicales, les Dakh Daughters et le metteur en scène Vlad Troitskyi exposent avec force toute l’horreur et la violence du conflit qui se déroule en Ukraine.

Grand Théâtre – Luxembourg.
Le 5 juillet à 20 h.

Cette soirée se fait en présence de la Croix-Rouge luxembourgeoise et Caritas Luxembourg qui récolteront des dons sur place afin de réagir aux besoins humanitaires en Ukraine.

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