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[Théâtre] Bibliothèque des livres vivants : il est le Houellebecq, elle, le Zola


Sullivan Da Silva est Extension du domaine de la lutte de Michel Houellebecq dans cette troisième et dernière saison du cycle du Théâtre du Centaure, Bibliothèque des livres vivants (Photos : boshua)

Le Théâtre du Centaure reprend, jusqu’à dimanche et pour la dernière fois, le cycle «Bibliothèque des livres vivants» avec Sullivan Da Silva en Extension du domaine de la lutte de Houellebecq et Laure Roldan en Nana de Zola.

Après Colette Kieffer et Jérôme Varanfrain en 2017 puis Delphine Sabat et Jeanne Werner en 2018, c’est au tour de Sullivan Da Silva et de Laure Roldan de se «transformer» en récit littéraire le temps de la «Bibliothèque des livres vivants». Après avoir donné corps sur scène au Portrait de Dorian Gray de Wilde, à Il faut beaucoup aimer les hommes de Darrieussecq, au Journal d’une femme de chambre de Mirbeau et à La Vie matérielle de Duras, les comédiens deviennent cette fois-ci Extension du domaine de la lutte de Houellebecq et Nana de Zola.

Quel beau projet que cette «Bibliothèque des livres vivants» ! Ce mariage entre art du spectacle et texte littéraire. Cette personnification scénique non d’un personnage, mais d’un livre. Un projet né au théâtre de Chelles, mis sur pied par Frédéric Maragnani avec Hervé Pons et installé depuis trois ans à Luxembourg.

Pas évident de faire vivre un texte qui n’est, à la base, pas prévu pour être interprété. C’est pourtant le challenge qu’ont accepté Sullivan Da Silva et Laure Roldan.

Il ont chacun 45 minutes sur scène; pas pour lire le texte, le réciter ou encore l’interpréter, mais pour le personnifier. Seul. Sans filet. Sans aucune sorte de relance possible. Seul face au public, mais aussi face à l’œuvre et, on imagine, face à l’auteur.

Après la claque prise lors de la première luxembourgeoise de cette «Bibliothèque» en 2017, après la peur ressentie l’an dernier, en début de représentation, au sujet d’un débit volontairement monocorde, on ne peut que regretter que ce millésime 2019 ait persévéré dans le sillon creusé l’an dernier. Pas totalement, non. Mais peut-être bien plus que nécessaire.

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Homme-femme, mode d’emploi

En 2018, tant Jeanne Werner que Delphine Sabat avaient débuté leurs performances avec un ton neutre, mais étaient rapidement parties sur autre chose. Là, pour personnifier Extension du domaine de la lutte de Michel Houellebecq, Sullivan Da Silva gardé un rythme rapide et monocorde tout au long de ce texte aussi difficile que magnifique.

Certes, cela renforce l’aspect répétitif et monotone de la vie de cet informaticien gagnant 2,5 fois le SMIC qui sert d’antihéros au romancier, mais malgré l’humour – noir – et cette présentation caustique d’une génération de geeks no life proposée par Houellebecq, et l’excellent travail – aussi bien dans la gestuelle, l’attitude que le phrasé – du comédien, cela devient un brin lassant. Étonnant de donner un ton aussi détaché, décharné pour donner «vie» à une œuvre.

Plus vivante semble l’interprétation de Nana d’Émile Zola par Laure Roldan. Certes l’œuvre, et son personnage titre, est plus charnelle, plus sensuelle que la précédente, avec cette courtisane qui jouera habilement de ses charmes pour sortir de la misère, quitte à plumer les nombreux hommes qui lui font la cour. Un récit qui sied à merveille à la comédienne.

Au premier abord, difficile de voir des points communs entre Extension du domaine de la lutte et Nana. Pas le style, pas l’époque. Au contraire, les deux récits semblent suivre des chemins opposés avec un homme soumis d’un côté, une femme libre de l’autre. Pourtant, à y regarder de plus près, on trouve dans les deux cas un regard critique du capitalisme ainsi qu’«une observation sociale de leur époque», note le Centaure.

Comme lors des deux saisons précédentes, c’est pertinent, prenant. On se dit qu’on vient d’assister à quelque chose d’étonnant, de rare. Dommage du coup, que l’expérience des «livres vivants» s’arrête cette année. Le cycle n’a malheureusement pas trouvé son public.

Pablo Chimienti

Théâtre du Centaure – Luxembourg. Jusqu’au 1er décembre.

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