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[Séries TV] Stringers in the night…


Caméra à l'épaule, les "stringers" filment le sensationnel, captent les détails sordides, puis montent leurs histoires en une poignée de minutes dans la voiture. (capture vidéo YouTube)

Réputée pour ses séries, la plateforme Netflix l’est également pour ses docus réalité. L’un des derniers en date, « Les Reporters de la nuit », met dans la lumière un métier de l’ombre.

Chaque jour, les reportages chocs ouvrent les flashs matinaux des chaînes infos américaines. Derrière ces images anxiogènes tournées quelques heures plus tôt, des reporters indépendants qu’on appelle là-bas « stringers ». Des étrangers dans la nuit, invisibles et solitaires, qui traquent le fait divers partout, à tout moment. Caméra à l’épaule, ils filment le sensationnel, captent les détails sordides, puis montent leurs histoires en une poignée de minutes dans la voiture.

Le métier s’est développé voilà une trentaine d’années à Los Angeles. En 2014, le grand écran l’a mis sous les projecteurs avec Night Call, porté par l’excellent Jake Gyllenhaal.

Les démons de la cité des anges

Netflix vient d’en faire un docu-série réalité de huit épisodes.

Quand les beaux quartiers de Santa Monica, Venice ou Beverly Hills s’endorment, les bas-fonds de L.A. s’agitent. Le crime se réveille. Et les stringers, branchés sur les scanners de la police, prennent la route au volant de leurs grosses berlines faire la chasse aux « scoops » comme ils disent. « Une bonne nuit, c’est trois ou quatre ventes. Une mauvaise, tu as grillé un plein d’essence », résument Scott, Zak et Howard, dont on suit le rythme effréné. « Ce qu’on voit en une semaine, la plupart des gens ne le voient pas en une vie », affirment-ils.

Eux carburent à l’adrénaline et avalent les longues artères de la ville, pour prendre le pouls d’une société malade de ses excès. La cité des anges a ses démons. Dont les stringers ont fait une sainte trinité autant qu’une règle d’or : sur une course-poursuite, il faut avoir l’arrestation du chauffard; sur une fusillade, il faut montrer les victimes se vider de leur sang; sur un incendie, il faut saisir le spectacle des flammes. Toujours être dans le feu de l’action, si possible avant l’arrivée des secours. Impensable chez nous, quand on sait que les forces de l’ordre bétonnent et mettent les médias devant le fait divers accompli.

Les stringers ne se sentent pas journalistes, mot qu’ils n’emploient d’ailleurs jamais, plutôt « reporters de l’horreur ». Ils sont des vautours qui rodent, des voyeurs témoins du pire que les grandes chaînes paient plusieurs milliers de dollars.

Tous ont monté leurs boîtes, avec plus ou moins de succès. Scott, sans foi ni loi, dirige un solide business et défie la concurrence, jusqu’à refourguer ses reportages par lots au prix d’un seul. Qu’importe le sujet, reconnaît-il, pourvu qu’il soit « télégénique ». Zak, le plus malin, mise sur son capital sympathie pour amadouer les policiers quand ils le tiennent à distance derrière la rubalise jaune. Il a gagné la confiance des pompiers, dont il cherche à sublimer la bravoure.

Howard veut lui aussi sa part du gâteau, mais ramasse souvent les miettes. Ses insatiables confrères gardent les meilleurs morceaux. Alors il se démène comme un diable pour que vivote sa petite entreprise familiale. Tous se connaissent bien, tous sont rivaux. Ils se grillent la priorité sur la course-poursuite, se tirent dans les pattes pour la fusillade, s’allument pour l’exclu de l’incendie. Courent tous les dangers, cèdent à toutes les folies. « Au final, ce sont les chaînes qui en sortent gagnantes », se désole Howard.

Le monde nocturne des stringers est impitoyable. Le jour qui se lève l’est tout autant : leurs scoops font les gros titres à la télé et s’oublient aussitôt, zappés dans l’actualité.

Alexandra Parachini

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