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Quand l’île de Beauté devient une île poubelle


Le manque de sens civique, y compris chez les touristes étrangers, fait de l'île de Beauté une île poubelle. (photo AFP)

Décharges saturées, poubelles pleines à craquer, détritus sur les plages, au bord des routes et en pleine nature: la Corse croule sous les déchets qu’elle ne parvient plus à traiter, un problème aggravé par l’afflux de millions de touristes en été sur cette « île de Beauté » française.

La crise est provoquée par un essor démographique non maîtrisé avec l’installation d’environ 4 000 nouveaux venus par an dans cette île française qui compte 310 000 habitants… pour plus de 300 000 tonnes de déchets à traiter chaque année.

A cet essor démographique s’ajoutent un manque d’infrastructures, la multiplication des constructions et des déchets accompagnant les chantiers, ainsi qu’une consommation à outrance encouragée par la présence dans l’île du plus grand nombre de supermarchés de France par tête d’habitant.

Les efforts de la plupart des communes pour développer le tri mécanique et mettre en place le tri sélectif des ordures ménagères sont en outre suivis d’effets insuffisants, souvent par manque de sens civique. Et la multiplication par dix de la population insulaire durant la déferlante touristique estivale, dont environ 20% d’étrangers -Allemands, Belges, Suisses et Italiens en tête-, n’arrange rien.

Certains de ces visiteurs étrangers, comme nombre d’insulaires et de Français du continent, sont saisis par l’existence en Corse de nombreuses décharges sauvages dans des sites naturels d’une exceptionnelle beauté: gravats de chantiers de construction, carcasses de voitures, d’appareils électro-ménagers…

Certains touristes étrangers « se lâchent »

« On ne peut pas parler d’un comportement plus vertueux ou moins vertueux de la part des touristes étrangers que celui des touristes français et des insulaires. Mais certains, peut-être enivrés par un certain parfum de liberté dans ce pays où l’on n’a pas l’habitude de s’occuper des affaires du voisin, semblent se lâcher ici et se tenir moins bien que chez eux », estime un responsable du Parc naturel régional de Corse, Michel Acquaviva.

Plusieurs randonneurs européens ont ainsi été verbalisés cet été pour avoir abandonné en pleine montagne leurs détritus, sur le parcours du prestigieux chemin de grande randonnée 20 (GR20), fréquenté par des milliers de touristes étrangers et qui traverse l’île, selon M. Acquaviva.

Il est aussi fréquent de trouver des sacs de déchets sur des parkings sauvages du littoral et en montagne après le passage de mobile-homes immatriculés dans des pays européens…

À la suite de conflits locaux cet été, certains centres d’enfouissement des ordures étant saturés et refusant de recevoir les déchets d’autres régions, la ministre française de l’Ecologie Ségolène Royal a lancé fin août un appel à la mobilisation pour tenter de régler ce problème « particulièrement critique en Corse ».

Un marché juteux

« On peut réduire, ici comme ailleurs, de moitié, la quantité des déchets à la source car c’est l’affaire de tous », a déclaré Mme Royal, mentionnant notamment, dans le cadre de la nouvelle loi française sur la transition énergétique par la croissance verte, les entreprises et les grandes surfaces, mais aussi les particuliers et l’école dans sa mission d’éducation. Elle a déploré les faibles résultats en matière de traitement mécanique et de tri sélectif et envisagé de déroger dans certains cas à la loi littoral de préservation des côtes, afin d’installer des unités de traitement de déchets et renoncer à l’enfouissement.

Une annonce qui n’a pas plu aux associations de défense de l’environnement, même si la ministre a précisé que ces dérogations devraient être « strictement encadrées ». « Comment Mme Royal peut-elle dénoncer le tri mécano-biologique à Paris et le défendre ici? », a demandé la porte-parole du Collectif contre l’incinération, Marie-Dominique Loye.

Le marché juteux du traitement des ordures en Corse est évalué à plus de 30 millions d’euros. Mais comme le transport et le traitement coûtent de plus en plus cher, les collectivités se voient contraintes de le confier à des entreprises privées.

 

AFP / S.A.

L’exemple d’une poignée d’habitants

Des expériences locales permettent toutefois d’espérer une amélioration de la situation. Ainsi, le petit village de Girolata, sur la côte occidentale corse recycle désormais 80% environ de ses déchets grâce au tri à la source, pour n’en enfouir que 20%, soit l’inverse de ce qui se passe habituellement en Corse.

Haut-lieu touristique au-dessus de la réserve naturelle marine de Scandola, Girolata et sa poignée d’habitants permanents voient défiler des centaines de milliers de touristes l’été. « Non relié par la route et ravitaillé par bateau ou hélicoptère, le village a fait de son enclavement un avantage en traitant sur place l’essentiel des déchets », explique le maire François Alfonsi.

Depuis quelques années, la commune trie verre, métaux et plastiques évacués par la mer ou les airs et composte les déchets organiques. Souvent citée en exemple, elle attire des délégations d’officiels locaux désirant s’inspirer de son modèle. Le village a investi 350 000 euros dans le traitement des déchets, selon M. Alfonsi, pour qui « cette somme pourrait être divisée par deux dans des communes plus accessibles et faire changer les habitudes ».

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